Ce livre est une
ordure
Le titre de cette réplique est de moi : ce livre est
une ordure.
Il
s'agit
du livre d'Yves Gosselin publié par Lanctôt
Éditeur et
dont
Louis Hamelin servait un irresponsable compte rendu dithyrambique
dans le
Devoir de samedi dernier.
On ne publie pas aujourd'hui un roman dont le personnage principal
est le
romancier
Louis-Ferdinand Destouches dit Céline sans
s'inquiéter de sa
teneur.
On n'en publie pas non plus un compte rendu dans le Cahier des
Livres du
Devoir sans s'assurer de la compétence de son auteur.
La
chaîne d'irresponsabilités ici comprend Yves Gosselin,
Jacques
Lanctôt et ses employés, Louis Hamelin et
Jean-François
Nadeau
responsable du Cahier des Livres au Devoir. Cela fera
beaucoup
d'excuses
à présenter. J'espère que le Devoir
pourra les
faire dès samedi prochain en première page du
journal,
avec la publication de la présente réplique en
première
page
du Cahier des Livres.
Comme il me faudrait trois fois plus d'espace que Louis Hamelin
pour
répliquer à son compte rendu, je vais tenter de m'en
tenir
à
l'essentiel dans cette intervention critique.
L'éditeur Lanctôt écrit ou laisse écrire
en
quatrième page de couverture du livre de Gosselin que
Louis-Ferdinand
Céline est une « ordure
canonisée ». Il
s'agit
là d'une opinion qui, exprimée sans autre forme de
procès, est
une insulte gratuite. D'abord Céline n'a jamais
été
canonisé par personne, sinon par les lecteurs et les
critiques qui ont
reconnu ses indéniables talents d'écrivain,
s'agissant du plus
grand
romancier français du XXe siècle. Il ne s'agit pas
non plus
d'une
« ordure ». Il s'agit d'un homme qui a
été
fascisant, antisémite, raciste et pacifiste, aux sens
précis
et peu
honorables que ces mots ont dans la société
française et
dans
l'Europe de l'entre-deux-guerres. Il y a deux ouvrages qui mettent
en
perspective
la dérive idéologique que Destouches a payée
fort cher,
mais
dont, à sa honte, il ne s'est jamais ni expliqué ni
excusé.
Il s'agit de l'essai de Jacqueline Morand sur « Les
idées
politiques de Louis-Ferdinand Céline » (1972) et
de la
biographie
critique remarquablement bien informée de Philippe
Alméras
(« Céline entre haines et passion » chez
Laffont,
1994).
Jacques Lanctôt et sa maison d'édition
littéraire doivent
des
excuses à tous ceux qui aiment assez la littérature
et ses
écrivains pour se scandaliser de la stigmatisation
outrancière
d'un
Céline comme « ordure
canonisée ».
Les excuses de Louis Hamelin seront plus simples à
présenter,
car
évidemment il n'a manifestement pas la conscience historique
élémentaire pour apprécier l'ouvrage dont il
fait
bêtement la promotion. Mais je ne sais pas s'il est possible
de
s'excuser
de son ignorance lorsque l'intelligence est en cause. Lorsqu'il
écrit
qu'« il faut un minimum de culture pour mettre en
branle une
farce
pareille », il fait preuve évidemment d'une
nonpareille
inculture. Retrouver le style ou même l'esprit du style de
Céline
dans cette assommante et lourde tartine, c'est faire preuve d'une
rare
insensibilité au talent de l'écrivain
français. Mais le
plus
grave, évidemment, est de ne pas comprendre que l'histoire
ne saurait
être un « vulgaire tapis » ou une
« allée de quilles pour jongleur
doué ».
Le
critique fait preuve d'une irresponsabilité dont il est peu
probable
qu'il
se relève sans présenter rapidement ses excuses et
refaire ses
devoirs critiques le plus vite possible.
Le « discours de réception » d'Yves
Gosselin met
en
scène un narrateur falot qui s'adresse à
l'Académie
française pour y présenter l'apologie de
Louis-Ferdinand
Céline peu après son décès. Le roman
est
constitué de ce discours. À partir du
véritable
personnage que
fut
Destouches, l'auteur nous invente, à travers ce
« discours », un Céline fictif, le
Céline
que
nous connaissons tous, mais tel qu'il serait devenu, dans une
Europe où
l'Allemagne nazie aurait été victorieuse. Dans cette
triste
fiction,
Louis-Ferdinand Destouches serait devenu un fanatique partisan
d'Hitler, le
rencontrant à plusieurs reprises pour le soigner, il aurait
cessé
d'écrire des romans (mais n'en aurait pas moins obtenu le
Nobel !)
pour
devenir hygiéniste avec l'appui de tous les
ministères du
maréchal Pétain. Et pourquoi ? Pour inventer
de
formidables
médicaments, vaccins à l'eau de mer et traitements
électriques
permettant de régénérer les races. Toutes les
cinq
pages,
environ, on retrouve de multiples développements tout aussi
idiots sur
ses
« idées » eugénistes (en regard
des articles
que
Céline a rédigés en réalité et
que nous
pouvons
lire facilement aujourd'hui). À cela s'ajoute un chapelets
de
niaiseries
égrenées tout au long du livre (Céline a un
trois-mâts
à Saint-Malo, il devient un fanatique défenseurs des
animaux et
se
fait d'ailleurs inhumer au cimetière de ses chiens). Je ne
vois
vraiment
pas qui peuvent intéresser de telles inventions d'enfants
d'école
sous-doués.
Mais l'essentiel n'est pas là. Il consiste tout simplement
dans
le discours antisémite, raciste et fasciste du narrateur,
rapportant
des
propos supposés du grand homme, discours qui culmine au
centre du livre
(p.
81-84) dans l'apologie frénétique de l'holocauste
d'Auschwitz.
Je peux expliquer le plus sommairement possible pourquoi ce
discours fictif
est
proprement odieux. L'auteur ne voit pas que son
« discours »
(qui se voudrait outrancier mais ne l'est nullement) est une grave
édulcoration non seulement de la réalité, mais
même
des
discours antisémites qui ont été tenus en
réalité, et par Céline lui-même, au
moment
où se
mettaient en place les camps de concentrations nazis. La cause en
est que
Louis-Ferdinand Destouches,
contrairement au personnage que le pauvre Gosselin
fabule
sous son nom, n'était pas une baudruche insane et ignoble.
Et c'est
cela,
précisément, qui est terrible, ce dont notre pauvre
Gosselin
(bis)
n'a aucune conscience. Il s'imagine probablement que les
associations juives
vont
monter aux barricades pour fustiger son livre, dont son
éditeur fera
fortune. Il ne sera pas accusé de racisme, mais bien plus
gravement
pour
un intellectuel de manquer de jugement et de sens historique. Par
ailleurs,
ce qui
est assez grave pour un écrivain, il est clair que Gosselin
analyse
à contresens l'oeuvre et la pensée de Céline
et on en
voit
partout l'illustration navrante. Céline ne peut être
un
académicien d'aucune façon, il ne peut
défendre la langue
française (de Rabelais à... Dumas !), son
premier roman n'a
rien
de
particulièrement hygiéniste, etc. Mais le plus grave
et le plus
irresponsable est de lui attribuer un délire fasciste,
raciste et
antisémite qui, par sa logorrhée même, est une
édulcoration de la grave responsabilité historique
que porte
l'auteur
de « Bagatelles pour un massacre ».
Une dernière chose, non des moindres. Il y aurait là
« humour décapant » et
« pastiche
réussi » selon le critique Hamelin. Un
véritable
« électrochoc » propre à
provoquer des
« chocs salutaires » d'après
l'éditeur
Lanctôt. Le livre de Gosselin ne dénonce rien du
tout, ni
l'antisémitisme ni les dangers de la
génétique. Rien.
Ce
livre n'est pas un pamphlet ni un ouvrage polémique. Il ne
vise rien
du
tout. Pourquoi ? Mais parce que l'auteur, manifestement, n'y
exprime
pas
trois
idées : il n'en a pas une. Il n'a surtout pas
idée du mal
inutile que
fait son livre, pour rien.
On me permettra tout de même cette conclusion positive :
Céline,
lui,
n'était pas un crétin.
Appendices
On peut lire maintenant les trois brefs extraits que je me
décide
à donner de ce roman le 29 janvier 2004 : Notes de travail : trois extraits
1. Le Devoir
J'ai demandé des excuses en première page du
Devoir et
la
publication de mon intervention en première page du Cahier
des
Livres. Ce n'était évidemment pas le meilleur moyen
d'être publié dans le journal, mais il suffira d'avoir
le livre
en main dix minutes, pour comprendre que la question se pose et
dès
qu'on l'aura lu on verra qu'il faut plus encore : des
explications et des
excuses circonstanciées.
Jeudi soir, le 23 octobre 2003, j'ai adressé ce texte par
courriel
avant
minuit à la rédaction du Devoir, pour qu'il
puisse
paraître avec les excuses de Jean-François Nadeau au
nom du
journal
dès le samedi suivant, 25 octobre. Les torts du journal
commenceraient
donc
à être réparés après une semaine,
jour pour
jour,
le compte rendu de Louis Hamelin ayant paru le samedi
précédent.
Une
journée, celle du vendredi 24 octobre, c'était
suffisant
à la
rédaction pour comprendre l'irresponsabilité dont a
fait preuve
le
journal en publiant ce compte rendu.
Comme mon intervention critique ne paraît pas ce samedi
matin, je la
mets
immédiatement ici à la disposition du grand public,
pour qu'on
sache
bien que le roman d'Yves Gosselin aura été
dénoncé
dès sa parution et que les excuses du Devoir tardent
déjà à être présentées.
2. L'antisémitisme
Le texte qu'on peut lire ci-dessus s'adressait aux lecteurs du
Devoir.
Maintenant qu'il se trouve à la portée du grand
public,
c'est-à-dire de nombreux lecteurs d'horizons très
divers, il me
faut
être plus explicite et faire comprendre pourquoi l'ouvrage
d'Yves
Gosselin,
le compte rendu de Louis Hamelin et le Devoir doivent
être
fustigés par tous ceux qui se font un devoir de combattre
l'antisémitisme.
Ce n'est pas le discours antisémite qui est ici
antisémite. En
effet, les Juifs ne peuvent pas être visés ni plus
choqués
et
scandalisés que les autres des idées
antisémites
prêtées au narrateur du « Discours de
réception », ni celles prêtées par
lui à
Céline, à Paul Léautaud et autres baudruches
et, en ce
sens,
le roman de Gosselin ne serait pas antisémite s'il ne
l'était
plus
gravement encore du fait de jouer niaisement avec ce qui fut
l'horreur
absolue.
Dès lors, il faut affirmer clairement que le
« Discours de
réception » d'Yves Gosselin publié par
Jacques
Lanctôt et dont Louis Hamelin fait la promotion dans le
Devoir
est
un ouvrage antisémite (1). Truffée
d'appels
à la haine
contre les
Juifs qu'il faudrait lire au « second
degré » dans
le
cadre d'une fiction narrative, cette ordure est un manquement
criminel au
devoir
absolu de respect pour les victimes des camps de concentration
nazis, ces
parents,
grands-parents et arrières-grands-parents de Juifs qui
vivent parmi
nous et
avec nous qui ne sommes pas juifs. C'est la race humaine, les
survivants de
l'horreur d'Auschwitz et autres camps d'extermination.
Yves Gosselin et ses comparses nous doivent à tous des
explications et
des
excuses. Et ils doivent faire vite, haut et fort.
__gl>-
Guy Laflèche,
25 octobre 2003.
Remarque. Comme le texte ci-dessus est daté,
j'ai
longtemps hésité à soustraire le fragment
suivant, qui
constituait la dernière phrase du texte :
« Autrement, je serai de
ceux qui
souhaiteront les voir condamner par les tribunaux auxquels
j'offrirai mon
expertise
à titre de spécialiste de l'oeuvre de Louis-Ferdinand
Céline ». Pourtant, j'ai tout de suite
regretté cette
menace. Je la retire donc avec mes excuses. Aucune poursuite
judiciaire
n'est appropriée en matière intellectuelle,
même contre
le discours négationiste. En réalité, cette
« menace » était moins l'expression de
ma fureur
qu'une façon fort simple d'indiquer la gravité des
accusations
que je porte. Cette explication n'est en rien une
justification :
encore une fois, je m'excuse de cette menace, de cet appel
injustifié
à la censure.
Note éditoriale (1) Il y a plus de
trois mois
maintenant que je suis bousculé dans le développement
de ce
dossier. Cela doit se voir dans le style et la grammaire,
malheureusement.
Mais je le comprend également par le profit que j'en ai
tiré.
Je ne rédigerais plus de la même manière telle
ou telle
partie que je relis. Mais c'est surtout le cas de la question de
l'antisémitisme. Ce que prouve ce Discours de
réception
et sa destinée jusqu'au Prix des collégiens est assez
terrible.
C'est tout simplement l'inconscient, l'antisémitisme
inconscient. En
trois mois, l'affaire Gosselin aura fait la preuve que personne
probablement
n'est à l'abri de cet antisémitisme-là, sauf
les Juifs
(qui ne sont pas à l'abri des autres formes du racisme
toutefois).
Comment le nommer ? Je ne le sais pas encore. Comment le
définir ? Tout simplement par son inconscience et
même son
impossibilité radicale, si ce n'était par
définition la
nature de l'inconscient : c'est l'antisémitisme de
ceux qui ne
le sont manifestement pas. Mais alors comment, comment le
découvrir,
le voir et le démontrer ? Par l'insensibilité.
Yves
Gosselin, comme ses lecteurs (ceux qu'il se suppose et qui existent
en effet,
on le voit bien), combat l'antisémitisme par
l'antisémitisme,
pensent-ils. La question n'est nullement de savoir si c'est
possible,
comment, dans quelles conditions et avec quel talent. La
réponse est
dans l'insensibilité de l'écriture, de la lecture.
Penser que
ce racisme de bonne conscience et profondément inconscient
peut
être à tout moment le nôtre, c'est vraiment
terrible.
3. Réaction du Bulletin
célinien
Anticélinisme primaire
Texte du Bulletin
célinien
Remarque
Le compte rendu critique de Marc Laudelout, directeur du
Bulletin
célinien écrase comme il se doit l'inculture et
l'ignorance
que manifeste la publication de Lanctôt Éditeur.
Toutefois, les
lecteur du bulletin, qui fait autorité dans les
études
céliniennes, n'ont droit qu'à une proposition anodine
pour
connaître le véritable sujet du livre de Gosselin (qui
met en
scène un Céline, « bien entendu,
irréductible
partisan de l'extermination des juifs »), un bien maigre
indice en
l'occurrence, s'agissant d'un discours dont le premier impact est
de
développer sans rime ni raison un épouvantable et
abject
discours antisémite. De ce point de vue, que le livre
puisse
être anticélinien (ce qui ne fait pas de doute, je
dois
l'admettre) est bien secondaire et, pour bien dire, tout à
fait
inoffensif en regard de sa nature profondément,
criminellement
antisémite. En tout cas, il me semble qu'on doive tous en
éprouver un tel dégoût que je trouve
curieusement
aseptisée la réplique du Bulletin
célinien à cet égard.
Addenda
Sommaire de l'en-tête informatique de mon envoi aux
journalistes,
employés et dirigeants du Devoir, suivi du texte de
mon
message :
Date: Sun, 2 Nov 2003 20:02:10 -0500
From: Lafleche Guy
To: devoir acastonguay@ledevoir.com, amaltais@ledevoir.com,
bdescoteaux@ledevoir.com, blamarche@ledevoir.com,
bmunger@ledevoir.com,
bmyles@ledevoir.com, cchevrier@ledevoir.com, cdumazet@ledevoir.com,
clegault@ledevoir.com, clevesque@ledevoir.com,
cmontpetit@ledevoir.com,
cpaquet@ledevoir.com, crochon@ledevoir.com, ctiffet@ledevoir.com,
cturcotte@ledevoir.com, dbazinet@ledevoir.com,
dcantara@ledevoir.com,
dfilion@ledevoir.com, dprecourt@ledevoir.com, dreny@ledevoir.com,
dross@ledevoir.com, edesrosiers@ledevoir.com,
fdeglise@ledevoir.com,
gberube@ledevoir.com, gdallaire@ledevoir.com, ghaeck@ledevoir.com,
glafleur@ledevoir.com, glenard@ledevoir.com, gpare@ledevoir.com,
gtaillefer@ledevoir.com, ipare@ledevoir.com, javril@ledevoir.com,
jboileau@ledevoir.com, jbrunet@ledevoir.com,
jcarpentier@ledevoir.com,
jcorriveau@ledevoir.com, jdebilly@ledevoir.com, jdion@ledevoir.com,
jgrenier@ledevoir.com, jnadeau@ledevoir.com,
jnadeau@ledevoir.com,
jnadeau@ledevoir.com, jricher@ledevoir.com,
klevesque@ledevoir.com,
llachapelle@ledevoir.com, llapierre@ledevoir.com,
ltheriault@ledevoir.com,
ltheriault@ledevoir.com, mbelair@ledevoir.com,
mbernatchez@ledevoir.com,
mberube@ledevoir.com, mblanchette@ledevoir.com,
mcornellier@ledevoir.com,
mcote@ledevoir.com, mderome@ledevoir.com, mduclos@ledevoir.com,
mlheureux@ledevoir.com, mmalenfant@ledevoir.com,
mruelland@ledevoir.com,
ncalestagne@ledevoir.com, ncarmel@ledevoir.com,
nsebai@ledevoir.com,
pbeaulieu@ledevoir.com, pborne@ledevoir.com, pcauchon@ledevoir.com,
pgravel@ledevoir.com, rboisvert@ledevoir.com,
rdutrisac@ledevoir.com,
rleclerc@ledevoir.com, rrochefort@ledevoir.com,
sbaillargeon@ledevoir.com,
sbogdanov@ledevoir.com, slaplante@ledevoir.com,
slaporte@ledevoir.com,
slaporte@ledevoir.com, struffaut@ledevoir.com,
tchouinard@ledevoir.com,
vgeraud@ledevoir.com, ymartel@ledevoir.com
Subject: Protestations :
_humbles_protestations_justifiées
Dimanche, 2 novembre 2003
Journalistes et autres employés,
LE DEVOIR,
Mesdames, messieurs,
Vous m'excuserez de faire ainsi irruption dans votre boîte
électronique, mais je tiens à ce que vous soyez
informés
des protestations que j'adresse à la direction de notre
journal.
Lecteur du «Devoir» depuis toujours, je présuppose
que vous
considérerez tous que ce journal appartient tout autant
à ses
lecteurs qu'à ses artisans, même si chaque
numéro est
d'abord votre oeuvre et celle de la direction et de la
rédaction, ce
jour-là, ces années-là, où vous y
travaillez.
1- En 1995, M. Sansfaçons refusait obstinément de
faire
paraître un très simple texte d'opinion mettant en
cause mes
collègues historiens. Qu'à cela ne tienne, j'en ai
fait une
publicité, publicité
REFUS&Eacu
te;E par M. Descôteau pour
le numéro des 11-12 novembre 1995. A ma connaissance, c'est
le seul
texte d'opinion jamais refusé comme publicité au
«Devoir» (texte d'opinion qui ne pouvait prêter
à
aucune accusation de diffamation ou autre, s'agissant simplement
d'une
polémique intellectuelle entre collègues
historiens).
2- En 2002, «le Devoir» a refusé
obstinément que je
puisse protester contre le résultat d'un reportage (bien
caché,
mais bien payé par la publicité) nous appelant tous
à
«fê
;ter» le suicide d'Aquin. J'ai
distribué mon tract
comme un brave lors de l'événement à la
cinémathèque, pour expliquer que le suicide d'Aquin
était
un mythe, s'agissant d'un «aliénicide»
(c'est-à-dire
de la mort d'un suicidaire, d'une personne victime d'une maladie
mentale, qui
aurait dû être soigné et qui, dans ce cas,
serait
probablement encore parmi nous aujourd'hui). Aujourd'hui
même, au
contraire, on lit dans notre journal sous la plume du pauvre Michel
Biron un
nouvel avatar du mythe, «Aquin ou le suicide comme oeuvre
d'art»,
compte rendu du pauvre Sheppard. Désolant. Il me
paraît
criminel de faire ainsi l'apologie du mythe d'un suicide. Or, cela
serait
aujourd'hui impossible ou du moins plus difficile, je crois, si mon
journal
avait simplement permis que je m'exprime dans ses pages, ce que
j'ai
réclamé en vain à hauts cris.
3- En 2003, maintenant, c'est d'antisémitisme qu'il s'agit,
comme vous
le verrez ci-dessous.
Évidemment, il faut que ce soit gros, très gros pour
que je
tienne absolument à intervenir encore dans le journal
où je me
sens ostracisé. Cette année, comme l'année
dernière, il s'agit d'une réaction d'un
spécialiste des
études littéraires sur une question soulevée
par une
publication de notre journal dans le Cahier des Livres.
Je n'ai pas d'autres objectifs par le présent message que de
vous
transmettre ces informations et, évidemment, mes
protestations. Aux
journalistes parmi vous, je serais reconnaissant de faire
connaître ces
informations, puisque c'est votre métier. A tous ceux
d'entre vous qui
seriez d'accord avec la légitimité de mes
protestations, je
serais reconnaissant de vous voir protester auprès de la
direction de
notre journal.
Voici mainteant la lettre que j'ai tenté de vous faire
transmettre par
le Syndicat des journalistes du «Devoir» qui n'a pas
accusé
réception de mon envoi et qui est le principal objet du
présent
message:
===============================================================
Le 30 octobre 2003
Monsieur Paul Cauchon, président,
Syndicat des journalistes du Devoir.
cc redaction@ledevoir.com
Cher monsieur Cauchon,
Accepteriez-vous de transmettre copie du présent message aux
journalistes du «Devoir»? Il me semble que la direction
de votre
journal ne devrait pas s'y opposer, si même elle ne
décidait pas,
à votre demande, de le faire elle-même pour y ajouter
sa version
ou ses raisons.
Depuis une semaine aujourd'hui, j'ai adressé au journal une
énergique et virulente protestation contre le compte rendu
de Louis
Hamelin sur le livre d'Yves Gosselin mettant en scène un
discours
antisémite fictif absolument inacceptable. Je n'accuse
nullement
Gosselin ou Hamelin -- et encore moins «Le Devoir» -- de
partager
les idées véhiculées par le roman, mais de
manquer
d'intelligence au point d'insulter les victimes des camps de
concentration
nazis, les Juifs collectivement et, par conséquent, nous
tous. C'est
simple et c'est mon titre: ce livre est une ordure.
Toute personne intelligente qui l'a en main ne met pas dix minutes
en s'en
rendre compte.
Le texte de ma réaction critique se trouve à
l'adresse suivante
:
< http://www.mapageweb.umontreal.ca/lafleche/po/gos.html >.
«Le Devoir» a évidemment le pouvoir de refuser de
publier ma
réplique. Je crois toutefois qu'il a le devoir de la
publier
intégralement, comme j'avais le devoir moral de
l'écrire. J'ai
longtemps donné, à l'Université de
Montréal
où je suis professeur, un cours entièrement
consacré
à l'oeuvre de Céline, mes deux articles
spécialisés sur son style et ses pamphlets
antisémites
font autorité et ses romans occupent toujours une place
importante dans
mon enseignement. Je suis donc bien placé pour expliquer
pourquoi le
roman d'Yves Gosselin est ignoble d'ignorance et de niaise
forfanterie, que
sa publication chez Lanctôt et sa promotion au
«Devoir» sont
moralement inacceptables.
Je ne sais pas pourquoi la direction refuse de faire paraître
mon
intervention critique. Toutefois, si je pense à vous
écrire,
c'est tout simplement parce que je vois aujourd'hui la
publicité de
Lanctôt Editeur en première page du journal (elle fait
évidemment partie du budget du Cahier des Livres...). Je
n'accuse pas
la direction de protéger sa publicité, mais je pense
qu'avec
l'ostracisme dont je suis victime à votre journal, cela
pourrait bien
être une explication parmi d'autres et qu'il y a là
apparence de
conflit éthique. Aux journalistes et notamment au Syndicat
d'en juger
en regard des explications que vous devriez exiger et obtenir de la
rédaction.
Quoi qu'il en soit, je ne vous demande rien d'autre que de faire
parvenir la
présente aux journalistes du «Devoir», libre
à la
rédaction d'y ajouter sa version. Je vous serais
reconnaissant de
m'indiquer dès demain vendredi, 31 octobre, si cela a pu
être
fait ou non, auquel cas je m'adresserai personnellement à
chacun des
journalistes, un à un, au cours de la fin de semaine qui
vient, si mon
travail peut m'en laisser le temps.
Je vous prie d'agréer, cher monsieur Cauchon, l'expression
de mes
meilleurs sentiments,
Guy Laflèche,
Professeur titulaire,
Études françaises,
Université de Montréal.
=================================================================
======
Voilà. Je sais bien que je fais figure de triste Hidalgo,
du genre Don
Guichote de Montréal, mais vous avouerez que s'agissant de
suicide
à distinguer de l'aliénicide, puis maintenant
d'antisémitisme et de camps d'extermination nazis, il n'y
ait pas de
quoi rire.
Bien à vous tous,
__gl>-
Depuis plusieurs jours, le groupe de discussion LITOR interroge
la
pensée du linguiste et philosophe britannique George Steiner
à
l'occasion d'une entrevue à la radio française
où il
tiendrait, avec d'autres, des propos réactionnaires, ce qui
n'est pas
interdit, évidemment. En revanche, quelques membres de
notre groupe
trouvent que quelques passages de ses essais frisent
l'antisémitisme
ou la justification des camps de la mort. C'est dans ce contexte
que je
propose le cas qui nous intéresse ici. Voici le message que
j'ai
adressé aux membres du groupes.
Jeudi, 20 novembre 2003
Bonjour,
Passons à autre chose ? Pourquoi pas.
Mais avant, je voudrais remercier tous les intervenants dans ce
débat
concernant George Steiner. J'ai actuellement devant moi Dans le
château
de Barbe-bleue, que je viens d'acheter, mais je n'ai pas pu
trouver
à
Montréal son Transport de A. H., ni en
édition
originale, ni dans la
collection Livre de poche, ni même dans les
bibliothèques que je
fréquentes. Ce qui me stupéfie, évidemment,
dans les
extraits de François
Rastier, c'est le discours délirant sur les camps
d'extermination des
Juifs. Ces ouvrages sont parus depuis 20 ou 30 ans et il faut
LIT+OR, des
extraits de notre modérateur, puis des extraits de l'un de
nous, F.
Rastier, pour qu'enfin on s'interroge ?
Justement, puisqu'il faut bien passer à autre chose, puis-je
vous
proposer
un sujet semblable qui me désole actuellement ?
Le journal le Devoir de Montréal a publié le
19 octobre
dernier un
compte rendu pleine page, avec illustrations, d'un
«roman» paru
à Montréal
(chez Lanctôt Éditeur) intitulé Discours de
réception, d'un certain Yves
Gosselin. Le «roman» prête tout simplement, sur
plus de 150
pages, un
délirant et abject discours antisémite à un
personnage
faisant l'éloge du
romancier Louis-Ferdinand Céline (dans le contexte où
le
fascisme nazi
aurait triomphé lors de la dernière guerre).
Il se trouve que je connais fort bien l'oeuvre romanesque et
pamphlétaire
de Louis-Ferdinand Destouches dit Céline que j'ai longtemps
enseignée à
l'Université de Montréal et qui occupe toujours
beaucoup de
place dans mon
enseignement. J'ai donc tenté en vain de répliquer
à
cette ordure (car il
n'y a pas d'autre mot pour qualifier ce «roman» -- dont
j'ai fait
précisément le titre de mon intervention).
Ici intervient LITOR. Littérature et ordinateur. C'est
sous
prétexte de
«littérature» que le Cahier des Livres du
Devoir peut
faire la promotion
d'un «roman» abject qui tout à la fois
méprise
l'oeuvre romanesque de
Céline et en même temps amoindrit, détourne et
déforme son discours
pamphlétaire antisémite, fasciste et raciste dans un
formidable
crachat à
la figure de tous les survivants des camps de la mort nazis, nous
tous.
Voilà pour la «Littérature» où j'ai
été absolument incapable de protester.
Heureusement, dans LITOR, il y a «ordinateur».
D'abord le fichier internet que j'ai pu mettre en place à ce
sujet :
< http://www.mapageweb.umontreal.ca/lafleche/po/gos.html >,
ensuite, le présent message ! (sur LITOR, car la
proportion des
membres
par ailleurs branchés et actifs sur la Toile y est
évidemment
plus forte
qu'ailleurs, de sorte que plusieurs d'entre vous avez
immédiatement
accès
au site dont vous avez l'adresse ci-dessus).
Sans l'internet et sans le courriel, il me serait impossible de
protester.
Alors peut-être ne faut-il pas être surpris qu'une
transcription
d'extraits d'une entrevue par Patrick Rebollar et les extraits de
François Rastier sur les essais de George Steiner ne nous
parviennent
que
trente ans après les faits et précisément sur
LITOR, pas
ailleurs. C'est
en tout cas grâce à l'ordinateur, c'est-à-dire
la
communication
électronique qu'il permet.
Je me débranche en vous saluant tous, -- Guy
Nos objectifs doivent être fort simples :
1- Éviter la « polémique »
recherchée
par l'auteur et son éditeur : le scandale doit
être
dénoncé de manière assez ferme pour ne laisser
aucune
place à la réplique.
En ce qui me concerne, le moins que l'on puisse dire est que la
réussite est totale sur ce point. Humour, ironie et
auto-dérision
mis à part, je suis heureux du résultat. Il
illustre fort bien ma conception radicale de la polémique.
Si je dois
intervenir (surtout à titre de professeur de
l'Université de
Montréal) sur une question importante pour dénoncer
une
situation, j'ai le devoir de ne pas donner prise à la
polémique (au sens dégradé, de celle
qu'aime bien
le Devoir). Dans ce cas exceptionnellement grave, j'y ai
veillé
de près, de plus près encore que sur la question
également importante de ne pouvoir donner prise à
l'accusation
de propos diffamatoires.
2- Obtenir que Lanctôt Éditeur, avec l'accord de
l'auteur,
demande immédiatement
à son distributeur le rappel de tous les exemplaires et que
le livre
soit pilonné;
3- non sans que de nombreux exemplaires aient été
donnés
(aux frais de l'éditeur) à toutes les grandes
bibliothèques du Québec et notamment aux
bibliothèques
universitaires (et cela pour empêcher que l'ouvrage soit
recherché pour sa rareté, puisqu'on pourra voir
facilement en
bibliothèque de quoi il s'agissait).
En effet, je dois bien préciser que je ne propose aucunement
que
l'ouvrage soit censuré. C'est l'auteur et son
éditeur que l'on
devrait pouvoir forcer à retirer volontairement leur livre
pour le
pilonner : ce n'est pas du tout la même chose.
4- Lanctôt Éditeur rendrait service à l'auteur
en
présentant ses explications et ses excuses de la
manière la plus
appropriée qui soit, notamment en trouvant le moyen de
réparer
le tort causé au Québec et au Canada par cette
publication.
Ces deux derniers points s'appliquent également au premier
roman d'Yves
Gosselin, le Jardin du commandant, et à ses
éditeurs.
Cela dit, comme je ne connais encore rien des Éditions du
42e
parallèle, je ne peux savoir si leur
crédibilité est
comparable à celle de Lanctôt Éditeur, maison
d'édition qui doit nécessairement répondre de
ses
actes.
5- Il en est de même évidemment du Devoir,
où les
responsabilités sont nombreuses et partagées :
il doit des
explications et, à mon avis, des excuses à ses
lecteurs.
J'ai beau être un idéaliste, lorsque j'exigeais des
« excuses » en première page du journal
et la
publication de ma réplique en première page du Cahier
des
Livres, je n'attendais rien de tel, évidemment. J'exprimais
efficacement l'extrême gravité des accusations que je
portais
contre le livre d'Yves Gosselin et son compte rendu par Louis
Hamelin.
Près de trois mois plus tard, ce n'est plus une question
rhétorique.
Certes, j'ai probablement fini d'accorder du temps à
l'affaire et je
dois dire que je saurais me contenter de la victoire morale dont le
signe le
plus évident est le silence même du Devoir qui
reconnaît ainsi la honte de ses journalistes. En revanche,
il ne fait
plus de doute à mes yeux que le Devoir devra
finalement s'expliquer et qu'il présentera alors ses excuses
à
ses lecteurs. Ce ne sera plus ma petite victoire : ce sera
la victoire
de mon journal, le Devoir.
__gl>-
Texte des « obectifs » revu le 10 janvier
2004.
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