TdM RRR / Le Recueil des Récits de Rêve - Édition de Guy Laflèche TGdM


Recueil de recueils de récits de rêve... rrrr, rrr, zzz, zz, z... Hé! réveillez-vous : c'est le temps de rêver.

Guy Laflèche, professeur retraité, Littératures de langue française, Université de Montréal :: 514-343-6111#5474 :: guy.lafleche@umontreal.ca


Pour s'amuser

RRR vs « Reves.ca »
Polémique Vandendorpe / Laflèche

Chapitres rédigés de l'essai en cours

Prolégomènes à la genèse et à l'histoire du rêve (2004)
Introduction générale

État présent sur l'étude narrative du récit de rêve (2013)
Bibliographie de travail

Le modèle narratif de l'histoire rêvée (1999, 2007)

La psychologie et l'analyse narrative du rêve (2011) /

Psychology and the Narrative Analysis of Dreams

Les effilochures de rêve (2010)

Le songe en France au Moyen Âge (2013)

Le rêve surréaliste (2006)

Chapitre à rédiger : intermède

Les Hurons étaient-ils freudiens ? (2004)

Études et recherches programmées

      Voici un état du travail pour les utilisateurs de cette anthologie (c'est le « Recueil de recueils de récits de rêve », abrégé RRR) et surtout les lecteurs des chapitres rédigés de l'essai en cours.

      J'ai pris ma retraite de l'enseignement en 2011. Je me suis mis avec un plaisir inattendu à l'étude de la langue des Montagnais, l'innu. Mon objectif était de pouvoir lire les textes des missionnaires jésuites du XVIIe siècle dans cette langue. « Pendant ce temps », j'ai poursuivi, pour le plaisir de la chose, l'édition critique du texte de Lahontan sur (son invention ! de) la Rivière longue (1). J'en suis maintenant à l'étude de toutes ses cartes. Après quelques années d'apprentissage de l'innu et deux séjours à Uashau et Meliotenam, j'ai pu réaliser mon ouvrage, Paul Lejeune, le premier linguiste et grammairien de l'innu (2) Je vais maintenant achever mon édition critique des Chants de Maldoror et l'étude de ses hispanismes. L'ouvrage, El Bozo (3), est à moitié réalisé. Pour le finir, je devrai y consacrer au moins deux ans. C'est un ouvrage important que personne, je crois, ne pourrait faire facilement.

      Or, tel n'est pas le cas du présent essai sur l'étude narrative du récit de rêve. Au cours des deux années qui viennent, on peut espérer que quelques chercheurs produisent dès maintenant ses chapitres à venir. Je commence par les énumérer et je dis ensuite comment les réaliser.

La préfiguration et la naissance du rêve moderne

      Le premier chapitre de l'histoire du rêve en Occident est passionnant parce qu'il sera impossible d'en présenter une « histoire événementielle » où l'on pourrait désigner un créateur de génie qui procéderait à la naissance du nouveau genre onirique, le récit de rêve moderne, qui discréditerait d'un coup et à tout jamais le songe classique et médiéval, pour imposer une représentation narrative crédible, réaliste et, dirais-je, objective de nos rêves. Au contraire, le récit de rêve moderne ne s'imposera pas (et non sans résistance) avant le tournant des XIXe et XXe siècles. Il faut plutôt poser les jalons suivants. D'abord, le récit de rêve se trouve ici et là sous une forme embryonnaire dans quelques songes médiévaux, dont l'exemple le plus net figure dans l'autobiographie de Guibert de Nogent, soit « Le second songe de sa mère » (1115). Cela signifie qu'on trouvera, exceptionnellement, des préfigurations du récit de rêve dans les discours herméneutiques du songe dès le Moyen Âge. C'est toutefois au XVIIe siècle que naît le récit de rêve : ce sont deux des trois songes de Descartes (1619, parus dans sa biographie de 1691), puis les songes de Pauline (dans Polyeucte) et d'Athalie de Corneille (1643) et de Racine (1691). Ces trois exemples peuvent suffire à montrer comment le songe se métamorphose en rêve sous la plume d'observateurs et d'artistes de génie. Mais l'important est que ces rêves se présentent encore comme des songes (à l'inverse des songes médiévaux qui recelaient des récits de rêves embryonnaires, les rêves du XVIIe siècle se donnent pour des songes, tandis que l'étude narrative n'a pas de peine à montrer que tel n'est pas le cas).. Tout se passe comme si le discours herméneutique du songe enveloppait la narration pour lui résister. D'ailleurs, le songe restera largement dominant encore au XVIIIe siècle, avant de reprendre toute la place, comme au Moyen Âge, au moment de la belle régression romantique, avant la surprenante résistance du « récit (onirique) fantastique » des romantiques et des premiers romanciers réalistes.

Le songe romantique

      Le texte emblématique de l'analyse sera le « Discours du Christ mort » et « Le songe dans le songe » de Jean-Paul [Richter], Siebenkas, 1818. L'analyse se fait au départ en deux temps. On constate que les poètes romantiques, comme les romanciers, privilégient le thème du rêve; ils parlent du rêve, mais en font peu de récit. Ensuite, et c'est évident des deux tableaux de Jean-Paul, leurs réalisations sont essentiellement descriptives, présentant une très nette régression dans la compréhension narrative du récit de rêve. Il ne fait pas de doute que les romantiques allemands, anglais, puis français (illustrés ici sur RRR par quelques poètes et prosateurs, dont Nerval sera le représentant privilégié), sont de très grands artistes. Mais leur compréhension du récit de rêve recouvre le songe du Moyen Âge d'une enveloppe poétique, un caractère qui contredit radicalement la réalité narrative du récit de rêve moderne.

Le rêve « fantastique » des romanciers réalistes

      Les romanciers réalistes ont d'abord été des romantiques. Leur première réalisation a toutefois été de « dépoétiser » leurs récits de rêve, du moins à première vue. En fait, ils ont transformé les descriptions de situations oniriques en récits fantastiques, récits manifestement événementiels. Et c'est justement dans le roman fantastique, chez Gautier par exemple, qu'on trouve les réalisations les plus « réalistes » du genre. En effet, paradoxalement, les récits de rêve des romanciers réalistes sont toujours fantastiques, de sorte que la littérature fantastique présente les récits oniriques de la manière la plus réaliste qui soit. C'est là que nous trouvons les histoires événementielles en contradiction radicale avec l'histoire rêvée. Il faut dire que c'est encore le cas aujourd'hui dans la littérature populaire : les récits de rêves y sont toujours des histoires fantastiques des plus réalistes. Le contre-exemple sera le fait d'un génie, Gustave Flaubert. Alors qu'on trouve souvent, dans ses premiers romans « romantiques » de tels rêves fantastiques, on ne trouve, dans l'Éducation sentimentale que deux rêves, mais qui correspondent rigoureusement au modèle de l'histoire rêvée moderne. Ils n'ont plus rien de fantastique ou d'« onirique ». Or, il s'agit de deux créations proprement « littéraires », puisque ces deux réalisations artistiques n'auraient aucun sens en dehors de la trame du roman. Je pense qu'on ne trouvera pas de réalisations aussi réalistes (et pour bien dire géniales) avant Proust.

Le rêve du roman moderne, du roman expérimental

      Le point de départ du chapitre sera forcément le Rêve de Swann et sa version préliminaire, le Rêve de Jean Santeuil. Il faut situer cette réalisation dans les récits de rêves de l'oeuvre de Proust, mais également en regard des « réalisations » des grandes analyses psychologiques qui précèdent et suivent immédiatement. Je ne sais pas encore ce qui émergera de l'analyse des récits de rêves littéraires dans les oeuvres narratives du XXe siècle, mais je suis bien persuadé que c'est la structure narrative du récit de rêve qu'on verra à l'oeuvre dans les grandes oeuvres expérimentales, des chants de Maldoror à Naked Lunch, en passant par les grandes oeuvres « automatistes », dont un bon exemple se trouve dans l'oeuvre inachevée de Céline, ses trois volumes de Féeries pour une autre fois (dont les deux premiers seulement sont parus : voir l'édition du dernier volume des romans par Henri Godard dans « La pléiade, vol. 4, 1993 ») : rien là de féerique, de fantastique ou d'onirique, pas un seul récit ou rappel de rêve. Et pourtant, un rêve, c'est exactement ça.


      Voilà donc à venir quatre ou cinq travaux (avec le rêve impératif des Amérindiens) et ceux que ne manqueront pas de susciter ces recherches. On n'a pas besoin d'attendre mon retour ici pour les réaliser. Il suffit de maîtriser le découpage événementiel de l'analyse narrative (ce qui ne s'improvise pas, il est vrai : cela implique la pratique de la Grammaire narrative, Laval, Singulier, 1999, 2007), de prendre connaissance des résultats actuels du travail en cours (ce qui est assez facile) et d'établir correctement son corpus et sa bibliographie de travail. Et on peut compter sur mon aide au besoin. Mais je serais surtout heureux de résumer sommairement ici un mémoire ou une thèse réalisant de manière critique l'une ou l'autre de ces recherches.

      __gl>-

      16 septembre 2018

          (1) Rivière longue.
          (2) Paul Lejeune, missionnaire de la Nouvelle-France, le premier linguiste et grammairien de l'innu.
          (3) El Bozo