Les interventions du redoutable polémiste (nous le sommes tous) restent généralement sans réplique, malheureusement, ses victimes n'éprouvant pas le besoin qu'on mesure davantage la justesse de la critique et c'est bien dommage, cela nous permettrait de rire encore un peu, car si le polémiste est intervenu, c'est évidemment parce que ce n'était pas drôle du tout. La formule : polémique = réplique (pamphlétaire (sans réplique)).
L'éléphant de porcelaine L'arpenteuse du racisme La brouillonnologue de la CGMM Notre critique et sa poésie
Les fulminations de Dominique Deslandres, de René Latourelle et de Robert Toupin contre le « Mythe contemporain Laflèche »

Polémiques II

Guy Laflèche,
Professeur retraité,
Université de Montréal

Le style d'Odile

Le Devoir à Cannes, mai 2015

FFMM 2013 — Boycottage : le festival privé du style d'Odile

FFMM 2012 — Tentative de sabotage du style d'Odile

 

Le style d'Odile — 2001-2011

« Une conférence de presse avec le public,
aux questions souvent idiotes » (29/08/2011, B8) (*).

      Nous en sommes, en 2011, au 35e Festival des films du monde de Montréal (FFMM). Odile Tremblay est cette année le seul journaliste du Devoir affecté à la couverture de l'événement. On pouvait écrire d'avance nous-mêmes l'encadrement de ses papiers : d'abord, bien entendu, le festival « roulera » de telle à telle date (cf. no 47), ensuite que la « cuvée  » (cf. encore le fameux no 47) manquera cruellement de vedettes sur son tapis rouge, tandis que les films en compétition (elle n'en voit généralement pas d'autres) sont d'un niveau moyen, propre à satisfaire le grand public, mais désolant pour les cinéphiles, qui feraient mieux, comme elle, de faire le voyage à Cannes, voire à Toronto. — Justement, elle sera l'envoyée spéciale du Devoir au Festival international du film de Toronto (TIFF) cet automne, avant de revenir exercer son style sur un événement montréalais, le Festival du nouveau cinéma (FNC).

      En ce qui concerne le FFMM, qui n'a rien du pétillant TIFF (« que de stars et d'effervescence ! », 12/09/2011, B8), il ne faut pas oublier d'ajouter quelques mots sur les diverses rumeurs au sujet de l'avenir malheureusement toujours futur (ici, allusions nécessaire à la programmation beaucoup trop lâche) de son président, Serge Losique, et de sa directrice générale, Danièle Cauchard. Résultats, d'après la journaliste, le festival est « boudé » par les jeunes (comme s'ils n'étaient pas au collège et à l'université à ce moment-là) et le public chaque année plus âgé (alors que sa pyramide d'âges ne devrait pas avoir changé depuis l'époque pré-Losique, alors que le festival se déroulait à l'Élysée, en 1966, il y a 45 ans). — Bref, « une formule qui ne séduit guère les générations montantes et les cinéphiles avisés » (29/08/2011, A8).

      Il faut comprendre que le FFMM est une fête du cinéma qui n'a rien à voir avec les grandes foires des produits cinématographiques, même si le petit marché du film de Montréal parvient à financer l'événement (aidé des subventions et de la publicité). Il suit qu'on ne manquera pas d'être déçu, année après année, si l'on s'intéresse moins au cinéma qu'aux potins et aux potiches cinématographiques, particulièrement aux sympathiques réalisateurs et à leurs icônes de l'écran, de blondes ou brunes icônes, et sexy, et patati et patata.

      En ce qui concerne le jugement cinématographique, un champ et contre-champ explique tout. Hasta la vista de Geoffrey Enthoven est un « film charmant, mais puéril » (22/08/2011, B7). Une fois qu'on aura accordé le Grand Prix des Amériques, le prix du public et même une « mention spéciale » des catholiques et des protestants du prix oecuménique à ce machiavélique film populaire bien fait pour remporter un formidable succès commercial, il deviendra, toujours sous la plume de la journaliste, une « comédie charmante, remplie d'émotions, éloge de la différence, mais au déroulement prévisible » (29/08/2011, A8).

      En dehors des films de la compétition présentés à l'Impérial (et probablement aussi au théâtre Maisonneuve que j'évite), les films étrangers sont sous-titrés en anglais, presque jamais en français. Au lieu de comprendre et d'expliquer la situation, la journaliste en fait tout un plat, n'ayant aucun autre « scandale » à se mettre sous la dent. Cela devient la « saga des sous-titres français manquants » (28/08/2011, C9); « le scandale des sous-titres français qui brillaient par leur absence... » (29/08/2011, A8). Oui, c'est vrai, il n'est pas raisonnable qu'une majorité de films étrangers soient sous-titrés en anglais seulement à Montréal au FFMM, mais encore faut-il savoir pourquoi. Pourquoi ? Un journaliste, si je ne me trompe pas, doit répondre aux questions, et non pas simplement les répéter (à supposer qu'elles se posent encore après les explications répétées des organisateurs sur ce triste sujet).

      Périodiquement, il nous faut quelques idées fortes. Cette années, c'était pour n'importe quel film, son caractère « académique », ses « longueurs » et un « dénouement prévisible ». Bon. Une fanatique de Jean-Luc Godard.

      Mais il faut en venir à notre propos, le style. Écrire aujourd'hui, dans un papier du Devoir, au passé simple, voilà qui devrait tenir des prouesses de la 'pataphysique, si du moins ce n'était manifestement involontaire. On sait depuis les études du grammairien Émile Benveniste que l'aoriste, le passé simple, correspond à l'isotopie de l'énonciation historique; mais aucun rédacteur n'a besoin de connaître ces travaux pour savoir d'instinct qu'on n'écrit pas un compte rendu journalistique dans le même style qu'un grand roman du XIXe siècle. Or, des articles complets en style d'Odile sont de cette eau dormante. Prenons la Run des frères Fuica. Le film « subit deux refus de financement et ne reçut pas d'aide [...] de la SODEC — le film subit un arrêt de tournage [...]. L'entreprise Aviva Communications leur intenta une poursuite... (24/08/2011, A1). La suite : « Le distributeur [...] allongea 250 000 $ pour la promotion ». Et, pour finir ou pour commencer, Léonardo Fuica « vit le jour en Espagne », tandis que Demian Fuica « grand amateur de films comme Transpotting, Requiem for a dream, 21 Grams, chercha a rendre cette facture âpre d'urgence qu'il aimait » (24/08/2011, A10). Il y a là, bien sûr, une méconnaissance d'un des mécanismes fondamentaux de la langue française, l'utilisation pertinente de ses temps du passé, mais ces impertinences sont également le signe d'un style prétentieux. « "The Artist" valut à Jean Dujardin le prix d'interprétation masculine sur la Croisette » (2/08/2011, B8). Et ce n'est pas tout, ma chère : « toutes sortes de rumeurs circulent sur d'éventuelles relèves de la garde [au FFMM], mais rien ne nous fut infirmé ni confirmé » hier, à la conférence de presse (2/08/20011, B8). Mais parlons plutôt de Playoff « qui nous fut présenté en fin de semaine » (24/08/2011, B9). À la fin, « la cinéaste allemande Brigitte Maria Bertele repartit étonnamment avec le prix de la mise en scène » (29/08/2011, A8). Très étonnant, en effet, ce « repartit » ! Mais ce n'est pas tout, car « Eran Riklis fut primé », "David" « récolta le prix oecuménique », "Dans le cadre" « reçut la palme du meilleur court métrage », alors que cette triste édition du 35e FFMM « reçut peu de grands visiteurs » (29/08/2011, A8). Enfin, "Che bella giornata" « fut un pavé retentissant dans la mare qui faisait crier à tous : "Pourquoi ?" et "Au secours !" » (29/08/2011, A8). Pourquoi ces passés simples ? Au secours ! Cela dit, avec « le pavé dans la mare qui fait crier à tous... », nous en sommes aux bourdes, où il fallait bien en venir.

      Bourdes

      C'est la première marque du style d'Odile, on le sait, puisqu'on s'était amusé à en énumérer 108 jusqu'ici (ou plutôt cent en 2001 plus huit en 2007.

109. « Pour son 35e anniversaire, le FFM, qui roule (qu'est-ce que je vous disais !) du 18 au 28 août, avec des dates avancées pour se coller à celles de la première cuvée... » — la « cuvée » prévisible. (3/08/2011, B8).

— Je comprends que « rouler » est mis pour « se dérouler », mais je ne sais pas ce que peut désigner la « première cuvée ». Sûrement qu'il faut remonter bien loin dans le temps... pour s'y coller.

110. « Claude Robinson, héros solitaire des luttes contre les puissants, s'offre une valeur symbolique ajoutée » avec sa création de l'affiche du FFMM 2011 (3/08/2011, B8).

111. « L'Art d'aimer du Français rohmérien Emmanuel Mouret... » (3/08/2011, B8).

— Mais non, ce n'est pas une coquille pour rhodésien. E. Mouret est tout ce qu'il y a de plus gentil, sentimental et pas mal lelouchien (ah! là, vous voyez que ce n'est pas une coquille, car tout le monde connaît bien Un homme et sa femme et le Genou au clair du fameux Éric Lelouche). Oui, je triche, je sais. Mais employer l'adjectif « rhomérien » à brûle-pourpoint dans un papier du Devoir, tout de même, faut le faire.

112. En 2011, « la compétition trouve son axe à travers moins de pays que d'habitude » (3/08/2011, B8).

— Le Festival des films du monde serait-il détraqué de ne compter en compétition, en 2011, que des productions en provenance de quatorze (14) pays ? Généralement, 15 ou 16 pays sont représentés dans la compétition. Peu importe les statistiques, car la question est de savoir d'où vient l'axe du mal. Peut-être faudrait-il remonter au verbe, axer, « axer qqch autour de qqch », « s'appuyer sur ». Si la compétition propose des films en provenance de moins de pays que d'habitude, ça, c'est clair, il faudrait alors comprendre qu'elle s'appuie sur une moins grande diversité, qu'elle est « axée », « trouve son axe » (!) « à travers » (= sur) moins de pays que d'habitude.

113. Hasta la vista, « film charmant, mais puéril, sur une réalisation de simplicité, abordant le périple de trois jeunes handicapés... » (22/08/2011, B7).

114. Dans Playoff d'Eran Riklis, « Dany Huston tient bien son rôle de complexité » (22/08/2011, B7).

— On a le choix : ou bien il s'agit d'un rôle complexe, ou bien celui d'un complexé. J'ai vu le film et je confirme : c'est un rôle de simplicité, de simple complexité, comme la réalisation puérile de Geoffrey Enthoven, que j'ai vu aussi, avec ses quatre rôles de complexité, mais plus mineurs, sans zones d'ombre (on y vient, aux zones).

115. « Le film tourné manifestement avec de faibles moyens — la réalisation simplissime s'en ressent... » (23/08/2011, B7).

116. « Pour des raisons mal élucidées, des problèmes de son gâchaient hier matin la sauce de la projection. Ça grésillait beaucoup » (23/08/2011, B7).

— Dans cette formulation surréaliste, c'est la « sauce de la projection » que j'aime : un fameux dessin animé, peut-être. Le fabuleux OEdipus de Paul Driessen (ONF), par exemple, qui retourne à l'envers sa projection pour gâcher la sauce à plaisir. Avec problèmes de son fort bien élucidés, ce qui est rare.

117. « Le film subit un arrêt de tournage » (24/08/2011, A1).

— Oublions le passé simple. On est dans le passif. On tourne un film, c'est le tournage; on doit cesser abruptement de le tourner avant qu'il ne soit réalisé. Et voilà la production frappée d'un « arrêt de tournage ».

118. « Les frères [Fuica] ont voulu primer l'authenticité... » (24/08/2011).

— « Primer » au sens de « privilégier » n'est pas français. Si je consigne ici ce détournement de sens (primer = donner la palme, récompenser et à la rigueur, vieilli, occuper la première place), c'est parce qu'il s'agit d'un fait exceptionnel. La parfaite correction grammaticale est au contraire un traits caractéristiques du style d'Odile : jamais de faute d'orthographe, de grammaire, ni même de vocabulaire, comme c'est le cas ici.

119. Jason Léveillé, dans la Run, « manque de demi-teintes » (24/08/2011, A10). Emmanuel Mouret « se sent bêtement lui-même, avec ses zones d'ambivalence » (25/08/2011, B8). Le Feu est un film qui « n'est pas pleinement achevé et ses zones d'ambiguïté demeurent mal assumées » (25/08/2011, B8).

— On le voit, depuis 2007 (cf. le no 108), les « zones d'ombre » n'ont pris aucun ombrage, bien au contraire, et les diverses « zones » occupent de plus en plus d'espace et toutes sortes de surfaces.

120. « The Edge [du groupe U2] rappelle que la création exige d'éviter toutes zones de confort » (10/09/2011, C11). Et, même chronique, Anne Fontaine, dans Mon pire cauchemar, a su « tirer [Benoît] Poelvoorde hors du champ du cabotinage pour atteindre ses zones de fragilité ».

121. Le nouveau film de Jean-Marc Vallée entremêle deux trames narratives, l'une au Québec, l'autre en France. « Le montage, qui saute d'une histoire à l'autre, dut [sic] donner du fil à retordre à Jean-Marc Vallée et on se demande où le train [sic] s'en va. Tout en comprenant son intention du double regard sur l'amour et le rôle parental, avec incursion en des zones plus ésotériques, on sent davantage derrière Café de flore un intéressant chaos qu'une oeuvre achevée » (12/09/2011).

— Bref, le réalisateur a raté son coup avec cette histoire ésotérique abracadabrante de réincarnation. Avec Vanessa Paradis et Kervin Parent comme vedettes, on aurait apprécié un chaos moins intéressant devant une oeuvre achevée, avec incursions en des zones plus érogènes.

122. « Faust du Russe Alexandre Sokourov (Lion d'or à Venise). Inspiré librement de l'oeuvre de Goethe, ce film radical, austère, nourri de couleurs délavées, aborde la corruption et les zones sombres de l'âme humaine » (7/10/2001).

— Enfin, un emploi correct de la zone ! Mais la chronique sur quelques films du Festival du nouveau cinéma annonce malheureusement un film d'Asghar Farhadi « sous forme de polar à saveur sociopolitique, sur fond des mensonges de chacun » et un autre de Steve McQueen sur un malheureux qui « trouve son point de faille » lorsque sa soeur s'installe chez lui.

123. Marécage de Guy Édoin : « Le personnage de Papineau tout en zones d'ombres est troublant et le film repose sur ses ambiguïtés » (9/09/2001, B3).

— Oui, on le voit tout de suite, les ambiguïtés correspondent aux zones d'ombres.

124. Take this waltz de Sarah Polley : « Cette romance souvent naïve, aux dialogues exsangues et aux ambiguïtés mal digérées met en scène une jeune femme mariée à un homme charmant et ennuyeux » (12/09/2011, B8).

— Dans Away from her, on s'en souviendra, les ambiguïtés étaient remarquablement bien digérées. Il n'est pas surprenant, avec de tels troubles gastriques, de trouver la pauvre Sarah Polley en panne. Je vous jure. C'est le titre du compte rendu : « Sarah Polley en panne ».

125. « Mais [Tood] Solondz se prend les pieds dans ses propositions parallèles, et perd tout humour à l'heure du dénouement larmoyant » (12/09/2011).

126. « Dans l'Art d'aimer, l'infidélité flotte, jamais concrétisée » (25/08/2011, B8).

127. Catherine Deneuve : « Et on salue la liberté de cette grande dame qui met de plus en plus son visage et ses décennies de métier (une centaine de films) au service de jeunes cinéastes, refusant le socle de sa statue dorée » (26/08/2011, B2). « Beau visage en porte-étendard de la culture hexagonale » (29/08/2011, B8).

— Mettre sa belle face et ses décennies (de métier !) dans les films des jeunes réalisateurs, on n'en attend rien de moins de « l'actrice en prise de risques ». À suivre, car c'est une répétition vraiment songée.

128. Catherine Deneuve, « l'actrice en prise de risques » (26/08/2011, B2).

— Il vous faut le contexte ? C'est risqué. « Mais des cinéastes moins connus, comme Julie Lopes-Duval pour Mères et fils et Éric Lartigau (l'Homme qui voulait vivre sa vie), ont accueilli sur leurs plateaux l'actrice en prise de risques ». Eh oui, c'est tout bonnement l'actrice qui prend des risques. Mais dit comme cela, c'est plutôt banal. La prise de risques fera dorénavant partie du vocabulaire cinématographique, tout comme la prise de vue et de son : Catherine Deneuve aura été la première à se mettre les doigts dedans, de sorte que le courant passe !

129. Catherine Deneuve : « Fantasme cinéphilique (sic), porteuse en mosaïque d'une grosse portion de l'histoire du septième art français et parfois étranger... » (29/08/2011, B2).

— Lourd passé.

130. « Cette cinéaste [Anne Émond], qui signe ici son premier long métrage après deux courts, possède une voix et une sensibilité qui laissent présager une belle carrière future » (12/09/2001, B8).

— Lourd futur.

131. Un film « aux immenses ratés de scénario » (29/08/2011, B8).

132. Bref, « la compétition était à cette image, d'un niveau moyen avec certains bons morceaux » (29/08/2011, A8).

— Ces « bons morceaux » se trouvent souvent dans les comptes rendus du FFMM en 2011. Ils sont significatifs de ces fautes de niveau de langue propres au style d'Odile. On peut s'en tenir au titi parisien pour l'illustrer.

      Les superlatifs de dépréciatifs et l'inverse

133. Raoul Ruiz a beaucoup tourné, plus de 120 films, « alternant les chefs-d'oeuvre et les films plus mineurs » (21/08/2011, C7).

134. Le film de Zhao Tianyu est d'une facture « un peu superficielle », avec une histoire qui « paraît assez confuse », avec « un couple peu fertile » (23/08/2011. B7).

135. « Dans l'ensemble, ce film possède de vraies qualités techniques... » (23/08/2011. B7).

136. « Dans l'ensemble, le palmarès peut se défendre, même si certains choix paraissent plus nébuleux » (29/08/2011, A8).

      Parenthèses

137. « (Excellent Götz Schubert) », « (piquante Mathilde Bundschuh, clone de Christina Ricci) », « (Daniel Bruehl, charmant) », « (le grand acteur Koji Yakusho) » et « (touchante Aoi Miyazaki) » (août 2011, passim). Mais ces mignardises surprenantes ne sont pas toujours entre parenthèses et ne désignent pas toujours des figures à l'écran : « son blond et joli compagnon » (11/09/2011) — mais je te parle de Brad Pitt que j'ai vu en conférence de presse, ma chère !

      Comparaisons

138. Frédérique Bel, la « blonde actrice » : « elle brille comme un soleil sur ses plateaux » (25/08/2011, B8).

139. « Mais l'ensemble a du rythme et le film s'envole comme un ballon » (15/08/2011, B8).

      Le titi parisien (livresque)

140. « Pas tentés de revivre une expérience aussi traumatisante, les frères Fuica » (24/08/2011, A10).

141. « Les admirateurs [d'Emmanuel Mouret] adorent sa dégaine de romantique maladroit »; avec son actrice Frédérique Bel, les voilà « tous deux sympas comme tout » (25/08/2011, B8).

142. Frédérique Bel n'aimait pas le personnage de la voisine dans le scénario d'Emmanuel Mouret : « Manque de pot : le cinéaste la trouvait [= l'a trouvée] merveilleuse dans le rôle lors des essais » (25/08/2011, B8). Elle en a donc hérité.

143. « Montréal, Deneuve connaît. Elle qui y tourna..., revint l'année suivante... » (29/08/2011, B8).

144. « Sarah Polley : 32 ans, torontoise comme Atom Egoyan (qui la dirigea dans the Sweet Hereafter)... Son premier long métrage, Away from her, lui valut entre autres récompenses, le prix Génie de la meilleure réalisation... » (12/09/2011, B8).

145. Et les filles du Crazy Horse (film de Frederick Wiseman), « la nudité, les éclairages, les effets spéciaux, les transformeront en fantasmes sur scène, mais elles semblent n'en avoir rien à cirer»; elles « s'amusent parfois, s'ennuient souvent en répétition et bossent le reste du temps » (26/11/2011, E9).

      Perles

146. Emmanuel Mouret : « Il a appelé son film l'Art d'aimer, en référence à (sic) l'ouvrage en vers du poète latin Ovide, initiation à l'amour en plusieurs judicieux conseils écrite en l'an 1 » (25/08/2011, B8).

— On voit que la journaliste a fait son cours classique. Chez les bonnes soeurs.

147. « Les très musicaux Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy en 1946 » (26/08/2011. B2). Ce « tournage fut difficile pour ce long métrage tout chanté » (29/08/2011, B8).

— On voit que la journaliste est une fameuse spécialiste du cinéma. Au Devoir.

      Une belle phrase

148. « On déplore malgré une grosse distribution et de bons jeux de caméra l'échec de cette chronique familiale sur trois générations, dont l'ambition démesurée vire en eau de boudin » (29/08/2011, B8).

— Thierry Klifa a ainsi droit à un beau coup de griffe en style d'Odile. D'ailleurs, « la trame des "Yeux de sa mère" part en tous sens... ».

(*) Mieux encore. Fatigue à Toronto. Crise de nerfs en différé en première page du journal à Montréal. Vraiment incroyable, incroyable, mais vrai — comme tout ce qu'on lira dans ce fichier, car sans ses références, on n'en croirait rien. Conférence de presse de George Clooney et de Brad Pitt. « Que vous vous appeliez Brad Pitt ou George Clooney, il y a toujours en conférence de presse un toto ou une nonote, accrédités pur journaliste, pour poser des questions soit personnelles, soit sur le fait d'être une star et de signer des autographes. Or, ces deux acteurs américains [= étatsuniens], aux nombreuses années de carrière dans le sillage, n'en peuvent plus de répondre à de pareilles conneries ». Ainsi donc, Brad Pitt « répétait hier à une godiche pour la millième fois de sa carrière que le culte de la célébrité n'a rien à voir avec le film », etc. « Mais quittons cet aparté... ». Ce ton chronique d'humeur en style d'Odile correspond pourtant à un texte d'information journalistique sur le TIFF publié en première page du Devoir (10-11/09/2011, A1-A12).

      Il y a des écrivains que nous ne lisons jamais. Il en est de même de journalistes, de chroniqueurs ou d'éditorialistes.

      Mais il y a des cas particuliers où nous sommes forcés de lire des textes d'auteurs insupportables et, par malheur, de ne pouvoir le faire sans grincer des dents, même si l'on se contente de les parcourir en diagonale, à la recherche des informations.

      Tel est le cas pour moi des articles d'Odile Tremblay, chroniqueuse et critique de cinéma au Devoir. Une épouvantable calamité. Habituellement, je ne lis pas ses articles et ses comptes rendus, et je m'en porte très bien, regrettant seulement que ce ne soit pas un autre critique qui rende compte d'un film que j'ai vu, pour confronter son évaluation à la mienne, ce qui est toujours enrichissant. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'un film que je n'ai pas vu et dont je veux connaître le contenu ou l'intérêt, dans le cas des entrevues de réalisateurs ou d'acteurs qui m'intéressent ou s'il s'agit d'événements importants de l'actualité cinématographique, je suis forcé de la lire, du moins en diagonale et parfois même mot à mot du début à la fin. J'en fais chaque fois une érysipèle. C'est une allergie et ce n'est pas tout à fait ou entièrement de la faute d'Odile Tremblay, bien entendu, puisqu'elle est publiée par le Devoir, c'est un fait, et lue par ses lecteurs, comme il faut évidemment le présupposer. Pourtant, cela ne va pas de soi. En effet, je ne peux tout de même pas imaginer que nous soyons tous dans la triste situation où il me semble qu'il faudrait que nous soyons vraiment minoritaires. Je parle des lecteurs victimes de l'allergie au « style d'Odile », peut-être, vraisemblablement, de moi seul, ce que je trouve toutefois peu probable.

      Car il faut dire que le problème n'est pas aussi simple qu'il peut paraître, précisément parce qu'il est archisimple (ni simpliste, ni simplet). Il y a des cas graves où les idées d'un auteur vous horripilent au point de créer la réaction allergique dont je parle. Or, les idées d'Odile Tremblay ne m'importent guère et, d'ailleurs (il faudra malheureusement que j'y revienne en conclusion), je n'ai jamais remarqué qu'elle en eût aucune autre que celles que les bonnes âmes ne manquent jamais d'avoir, notamment lorsqu'il s'agit d'apprécier un film. La question n'est pas là du tout. Par ailleurs, je ne dois tout de même pas être la seule personne à connaître son français de tous les lecteurs d'Odile Tremblay ou de ceux qui sont parfois forcés de la lire. Il faut nécessairement qu'il y en ait qui aiment le style d'Odile Tremblay et qui soient aveugles. La direction ne lui a-t-elle pas confié l'éditorial culturel du cahier de fin de semaine que Lise Bissonnette s'était créé pour étaler ses propres « talents » de styliste ?

      Le problème est en effet vraiment terre à terre : Odile Tremblay ne sait pas écrire. Je ne dis pas qu'elle ne connaît pas sa grammaire sur le bout de ses doigts, ni qu'elle ne sait pas l'orthographe, car je suis au contraire persuadé qu'elle doit être championne en dictée. Le problème, tout simple qu'il soit, est d'autant plus grave. Il touche au génie, à l'intelligence et à la sensibilité de la langue française. Il y en a comme cela qui ne l'ont pas, et c'est naturel, tous les talents n'étant pas donnés à tous. Sauf qu'il est curieux, inattendu qu'une journaliste puisse faire carrière avec ce boulet. Un journaliste de presse qui ne sait pas écrire, n'est-ce pas contradictoire ?

      Or, il y a des limites qu'un polémiste de métier ne peut voir franchir dans sa vie quotidienne sans intervenir et c'est le cas du seul journaliste de mon journal que je ne peux lire pour une simple question de style — alors même que ce n'est pas une question de goût. Odile Tremblay représente pour moi un phénomène unique au Devoir que je désigne familièrement comme le « style d'Odile » (qui est pour moi un genre de style) : le cas de ceux qui « savent écrire », n'écrivent pas « mal » (par négligence ou manque d'instruction) et même plutôt « bien », sauf qu'ils ne savent pas écrire en français ! Je ne sais plus comment je suis un bon jour passé à l'action, comme on dit. J'ai entrepris de consigner les fautes de style et de langue qui me sautaient aux yeux, du moins quelques perles dignes d'être retenues et publiées. Dignes d'être publiée ? Est-ce que tous les papiers d'Odile Tremblay ne le sont pas, justement ? Oui, et là se trouve la motivation de mon entreprise.

      Bien entendu, on s'en doute, je me suis pris au jeu et, ce qui est extraordinaire, je suis devenu un passionné du « style d'Odile ». Je me suis même parfois demandé si tout cela n'était pas calculé, peut-être à l'insu de la journaliste... Je pouvais parfois imaginer que nous étions quelques-uns à nous précipiter sur les articles en question, un crayon à la main, pour y marquer les deux ou trois perles qu'on ne manque jamais d'y trouver. On chercherait en vain un autre journaliste au Québec pour alimenter ce petit jeu.

      Cela dit, je me suis arrêté à la centième perle.

      D'abord parce que c'est bien assez et même déjà trop. Prendre le temps de recopier ces perles et de m'amuser à les commenter, c'est un évident plaisir sadique dont même un polémiste finit par se lasser. Pire encore, cela ne m'amuse plus du tout que ce fut si amusant.

      Ensuite parce que jour après jour, en lisant Odile Tremblay, je me suis rendu compte qu'il n'y avait jamais aucune raison de la lire autrement qu'en diagonale et une fois de temps en temps, comme je l'avais toujours fait, sauf à y chercher des poux et des perles, comme les cent de ma guirlande. Jamais, absolument jamais tout au long de cet exercice je n'ai été intéressé par aucun de ses textes. Des idées qu'elle rapporte des personnalités en entrevue, oui, mais rarement, puisque les questions sont d'elle. C'est tout de même curieux qu'Odile Tremblay n'ait jamais rien écrit qui ait pu me toucher ou m'intéresser toutes ces semaines où je la lisais mot à mot. Pire encore, je ne peux pas dire que j'ai été le moindrement en désaccord avec ses écrits, comme c'est le cas parfois d'écrivains, de chroniqueurs ou d'éditorialistes que je déteste avec joie, mais ne lis pas moins avec plaisir. Vraiment pas.

      Si le jeu auquel j'ai cédé est évidemment cruel, le pire est que je n'ai pas d'autres raisons de l'arrêter que le désintérêt ! Quelle tristesse. Une guirlande de perles trouvées au fil de textes d'une si rare vacuité qu'on ne saurait trouver raisons d'enguirlander.

1. « Sera alors projetée en première une bande vidéo de 45 minutes intitulée les Dernières Minutes du patrimoine, manifeste et pavé dans la mare inerte de l'Office National du Film » (17/02/2001, A7).

— L'objectif des jeunes cinéastes révoltés est clair et net : que l'ONF redevienne la mare active, énergique et remuante qu'elle fut jadis.

2. « Cette vidéo est un petit brûlot qui dénonce les problèmes de l'ONF » (17/02/2001, A7).

— Une grosse « mare inerte » et un « petit brûlot », c'est un peu le petit atome de la grosse molécule.

3. Karina Goma « voit ce message comme un impact à leurs revendications. Désormais, il faudra compter avec le groupe MSSO. Et vive l'esprit de rébellion qui lance un coup d'air frais dans les couloirs des institutions sclérosées ! » (17/02/2001, A7).

— Quand on se frappe sur des revendications qui tapent durement, c'est qu'on est attaqué au lance-courants d'air, sûrement.

4. « Il y a des effets pervers aux pré-papiers qui jonglent avec la plogue, même avec la volonté de questionner le morceau » (17/02/2001, C2).

5. « Même en questionnant les intentions des auteurs, ces derniers gardent le crachoir pour expliquer leurs intentions, en laissant des pans d'ombre » (17/02/2001, C2).

— Hors contexte ? Une phrase hors contexte peut être incompréhensible, bien entendu, mais elle n'en devient pas illisible, sauf si ce n'est pas du français. Dans les deux cas qui précèdent, même les lecteurs de l'éditorial culturel ne peuvent deviner le sens de ces phrases qui tiennent du charabia. Excellents exemples à soumettre (en contexte !) à l'analyse syntaxique des élèves du secondaire pour leur montrer qu'il ne suffit pas d'aligner des mots pour faire des phrases. Question : trouver pour quelles raisons les énoncés 4 et 5 ne peuvent pas être considérés comme des phrases en français, ni même des phrases incomplètes ou emphatiques. Distinguer les fautes qui tiennent de la syntaxe, de la morphologie, du lexique et de la sémantique.

6. « Une étincelle n'a pas levé ici » (23/02/2001, B10).

7. « La Veuve de Saint-Pierre est un film qui ne déshonore pas la filmographie de Leconte, comme avait pu le faire sa comédie facile Une chance sur deux, mais laisse un espace flottant » (23/02/2001, B10).

8. « Le film entend reposer sur l'amour du capitaine... » (23/02/2001, B10).

— Un film intelligent et compréhensif.

9. « Daniel Auteuil joue sur une tonalité froide, tout en retrait, alors que Binoche glisse sur une tout autre gamme, chaude et onctueuse, sans ensoleiller vraiment (!) le rôle, comme elle a pu le faire jadis » (23/02/2001, B10).

— L'un risque de se casser le cou, l'autre de se brûler.

10. « Il se contente d'être, en prêtant sa bouille de mauvais garçon sexy au personnage, qui y tire d'ailleurs un charme un peu canaille » (23/02/2001, B10).

— Ce ne serait pas l'inverse, par hasard ? Pour ce qui est d'« être », je crois bien que même les grands acteurs commencent par là. Je sais bien que la caméra les immortalise, d'accord, mais il ne faut pas exagérer. De leur vivant, ils peuvent exister sans cela.

11. « Entre lui et madame La, le courant se tisse d'attirance inavouée » (23/02/2001, B10).

— Confusion du tissage et de l'électricité, de la trame et du câble à haute tension dramatique.

12. « Cinéplex Odéon met à son affiche » (23/02/2001, B10).

— Accroche-toi bien.

13. « Par le Décalogue, la frontière entre films et téléfilms avait commencé à s'abattre. Le cinéaste avait mis à bas ces murs à travers ces oeuvres étranges et troublantes qui portent la marque rouge de son génie tourmenté » (23/02/2001, B10).

— Odile Tremblay ne dit pas tout. Depuis que ce cher Kieslowski a mis bas ses dix films pour la télévision, c'est tout le cinéma qui a commencé à s'ébattre. D'où le sous-titre de l'article : « Par le Décalogue, la frontière entre films et téléfilms avait commencé à s'abattre », évidente coquille.

14. « À voir aussi, dans un registre plus ludique mais en enfourchant encore le thème de l'adulte menaçant, Une sorcière dans la famille du réalisateur suédois Harald Hammrel » (2/03/2001, B10).

— Vous pouvez abattre l'adverbe pronominal qui redouble la syllabe « en », je ne pense pas qu'il soit raisonnable d'imaginer un film à califourchon sur des thèmes.

15. « Ajoutez au tableau des dénouements multiples, des répliques stupides, quelques décors intéressants, mais ça ne suffit guère » (4/03/2001, C7).

— On ne sait pas trop ce que peuvent être des « dénouements multiples », mais c'est apparemment un défaut, comme les répliques stupides lorsqu'elles ne sont pas dans la Cantatrice chauve; mais voilà qu'on passe à quelques décors intéressants, au lieu de tous ceux qui forcément ne le sont pas et qu'il nous semble que cela suffirait, au lieu que ça ne suffit guère... à quoi au juste ?

16. « Pour des raisons diverses, d'autres projets de tournage à Montréal avaient déjà tourné casaque dernièrement : Confessions of a dangerous mind, K-19, Little Stuart II étaient tombés » (6/03/2001, B8).

— Des projets qui sont abandonnés tournent casaque ? Casaquoi ?

17. « ...les tournages à Montréal deviennent volatiles [...]. Les Américains [= États-Uniens] remettent les tournages plus douteux [que ceux qui peuvent être menés à terme rapidement] à des jours meilleurs » (6/03/2001, B8).

— Les mots justes sont rarement volatiles et ne sont jamais douteux.

18. « À travers des portraits de créateurs et des oeuvres mêlant les genres, en tout, 180 films et vidéos abordent des rivages artistiques, souvent fascinant au demeurant » (9/03/2001, B10).

19. « Il y aura de tout et son contraire jusqu'au 18 mars dans toutes les sphères de l'art » (9/03/2001, B10).

— C'est une plaisanterie, mais elle ne paraît correspondre à aucun syntagme de la langue française. On dit, bien entendu : « c'est tout ou rien »; donc on comprendrait fort bien : « avec lui, c'est tout ou son contraire » (ce que la journaliste pourrait avoir lu ou entendu); on peut imaginer aussi qu'on puisse trouver tout ou rien, et donc « tout ou son contraire ». Mais ici, il y a « DE tout » : alors ? La plaisanterie tombe à plat et, comme on dit : très drôle, madame !

20. « Tout cela et plus encore [et son contraire aussi ?] livré en images-clips, contribue à donner une représentation moderne de la religion, certes, mais pour le moins inquiétante, fanatique, si bien que, par la bande, notre écoute du « Messie » s'en trouve, hélas, surtout contaminée » (9/03/2001, B10).

21. « Ses photographies avec des personnages souvent bondissants répondent aux chansons de Trenet, si envolée et tête heureuse » (9/03/2001, B10).

— Des lapsus ? Personnages bandants ? Chansons téteuses ?

22. « Mettons que la volte-face de Mario Clément, le directeur des programmes, ne lui fait pas une belle jambe en l'air » (10/03/2001).

— Tout le monde ne parle pas spontanément le titi parisien. La belle jambe que la jambe en l'air que voilà.

23. « Un doigt de porno dans le cinéma dit honorable, un doigt de cinéma honorable dans la porno. Je me dis que plus les cloisons sauteront, plus l'air circulera, plus le sexe [elle va attraper le rhume, si ça continue] sortira de sa petite boîte [mais où le met-elle donc ?] de vues obscènes pour devenir un élément de la vie parmi d'autres [nous sommes tous un peu perdus, entre les cassettes de films pornographiques et le cinéma non pornographique, avec quelques scènes érotiques]. Parce que tout seul [qui c'est, celui-là ?], recroquevillé dans [le spectateur ? il se met dans sa cassette ? pas possible !] sa vidéocassette lubrique, souvent privé d'humour et de douceur [le film ? son spectateur ?], il [si ce n'est pas le spectateur, c'est le sexe] témoigne surtout d'une société d'autant plus obsédée par le sexe [le sexe témoigne d'une société obsédée par le sexe ? ça ne marche pas, ce doit être le spectateur, sorti d'on ne sait où et maintenant dans la cassette] qu'elle est toujours morte de peur [la société a peur du sexe ? d'où sort cette nouvelle idée ?] ». (10/03/C2).

— Le texte ! « Un doigt de porno dans le cinéma dit honorable, un doigt de cinéma honorable dans la porno. Je me dis que plus les cloisons sauteront, plus l'air circulera, plus le sexe sortira de sa petite boîte de vues obscènes pour devenir un élément de la vie parmi d'autres. Parce que tout seul recroquevillé dans sa vidéocassette lubrique, souvent privé d'humour et de douceur, il témoigne surtout d'une société d'autant plus obsédée par le sexe qu'elle est toujours morte de peur ». Heureusement que je vous ai tout expliqué, n'est-ce pas ?

24. « Quinze minutes enfourche une thématique qui a usé ses semelles sur les pellicules d'Hollywood et d'ailleurs » (10/03/2001, C4).

— Elle en a fait du chemin la bête enfourchée (sic) par 15 minutes pour quinze minutes de célébrité...

25. « ... Emil et Oleg, sans foi ni loi, se baignant dans les assassinats les plus féroces et les plus crapuleux... » (10/03/2001, C4).

— Le sang, le sang ! c'est dans le sang qu'on se baigne. Un bain d'assassinats, c'est presque rafraîchissant après quelques bains de sang.

26. « Portrait des obsessions et des hantises de la société américaine [= étatsunienne], martelé avec des images-clips bien faites qui sont comme un pouls battant au milieu du sang et des images-chocs, 15 minutes ne parvient guère à dépasser sa propre caricature ». Plus loin, il « se contente de surfer sur sa charge » ! (10/03/2001, C4).

— Avec des images-clips au milieu des images-chocs, le pouls battant au milieu de, il me semble que c'est difficile de ne pas dépasser sa caricature d'au moins un nez. Avec « se contenter de surfer sur sa charge », c'est le sens du ridicule dont on peut déplorer la perte.

27. « Cela étant, il agresse jusqu'au malaise sans dégager autre chose qu'une pulsation meurtrière portée par son rythme, sa musique, etc. » (10/03/2001, C4).

— Voilà un film qui agresse en dégageant une pulsion meurtrière. Et c'est peu dire : il ne dégage pas autre chose ! Mais voilà une pulsion qui en dégage ! du rythme, de la musique, etc.

28. « Europuddings, c'est ainsi qu'on qualifie en Europe les films qui, à des fins de coproduction, réunissent des acteurs de différents pays en perdant toute couleur nationale au détour »(10/03/2001, C4).

— Au détour ? D'abord on ne suit aucun itinéraire dans cette phrase et ensuite on ne trouve ici aucun hasard ni aucune surprise. La critique a perdu le sens de l'expression au détour de son style.

29. « Chose certaine, c'est bel et bien à un pudding avec trop d'ingrédients disparates flanqués dedans que fait songer le film "En vacances" » (10/03/2001, C4).

— La critique écrit comme elle parle ou est-ce qu'elle tente d'imiter la syntaxe des romans policiers en titi parisien ? En tout cas, « pudding », « flanquer » et « songer » s'accordent assez mal. Peut-être croit-elle qu'en écrivant comme ça vient elle produira spontanément du grand argot ?

30. « Suivre une douzaine de personnages sans vraies figures qui se détachent du peloton (sic) commande une vraie maîtrise de réalisateur et un regard aigu » (10/03/2001, C4).

31. « Des rôles dessinés dans le brouillard, un montage confus, des temps d'action qui s'interpénètrent sans qu'on s'y retrouve, et surtout cette chimie qui ne lève (!) pas entre (!) un groupe (!) d'individus disparates » (10/03/2001, C4).

32. « On ne peut même pas parler de prouesses ou de non-prouesses d'acteurs [ah! bon : on est au cirque ?]. Les textes sont trop faibles pour les nourrir et la seule corde [la suite va vous expliquer à quoi elle sert, mais on aimerait savoir d'où elle sort, cette corde-là] que le scénario laisse aux comédiens de ce chant choral, c'est pour qu'ils se pendent » (10/03/2001, C4).

33. Une simple parenthèse : « (car comprendre vraiment Lauzon, le film n'essaie pas de s'y piquer, et était-ce vraiment possible ? » (10/03/2001, C5).

34. Le portrait de Lauzon par Bélanger et Hébert : « quelqu'un d'inachevé, plus serein à la fin de sa vie mais se déchirant encore à ses propres ronces » (10/03/2001, C5).

— Il faut dire que les réalisateurs, à son avis, « parviennent à transmettre le charme et les épines du personnage » !

35. « Le parallèle entre les deux femmes, figure réelle et vision projetée, en dit davantage sur la transmutation de la réalité en oeuvre fictionnisée que bien des discours » (10/03/2001, C5).

36. « Princess of Paradise, dont le tournage devait débuter en avril, possède un budget qui roule dans une fourchette de 25 à 30 millions $US » (14/03/2001, B7).

37. « Cela porte à environ 175 millions la manne financière des tournages qui échappe pour l'heure à la métropole » (14/03/2001, B7).

— Tout cela est une question de sentiment linguistique. On peut faire rouler bien des choses, mais certainement pas un budget et surtout pas un budget dans une fourchette de x à y ! Une manne, ça tombe du ciel et, d'ailleurs, c'est inattendue et inespérée, tandis que tout ce qui nous échappe, par définition, c'était attendu et espéré. Une manne ne peut donc échapper à personne. Ah misère.

38. « André Lafond, commissaire au Bureau du cinéma de Montréal, dit refuser de baisser les bras... » (14/03/2001, B7).

— Si on me dit qu'André Lafond refuse de baisser les bras, c'est une chose assez simple et que je comprends fort bien. C'est un homme déterminé. Mais lorsque Odile Tremblay me dit qu'il le dit, alors là, je vous le dis franchement, je trouve qu'il y en a un des deux qui en dit trop.

39. « L'univers de la bédé, c'est rigolo [?] tant qu'on voudra, mais pour les modèles féminins inspirant, on n'est pas très gâtées [!] » (18/03/2001, C2).

40. « N'empêche que les promenades enfantines parmi les bulles des Tintin ne me faisaient pas trop aimer mon propre sexe. À eux les aventures trépidantes. À elle [les héroïnes] le cassage des pieds et des oreilles » (18/03/2001, C2).

— « À eux » : on comprend qu'il s'agit des héros, et non des héroïques garçons, mais il faut le deviner. Ce qui ne vaut pas le cassage, évidemment. Surtout des pieds.

41. « Et d'ajouter que la grande époque de la bédé vit ensuite naître quelques oeuvres féministes. Sauf qu'à côté de ça, une vague plus porno a commencé à monter, sans discontinuer ni renouveler [!] les rôles depuis [qui ? quoi ? depuis quand ?], comme on s'en doute. Les autres modèles s'essoufflaient de leur bord [de quoi elle parle ? les modèles féministes ?]. La bédé classique se collait de plus belle aux vieux modèles » (18/03/2001, C2).

— Oubliez l'imbroglio des modèles. La vague qui monte sans discontinuer, voilà qui est haut (en couleur) et peu banal. Ce doit être un raz de marée, mais même ces vagues-là ne sauraient montrer sans arrêt !

42. André Pelletier «  a beau citer, à titre d'exemple d'ouverture d'esprit, le personnage de maîtresse-femme de Maestria dans l'Astérix de 1991, "la Rose et le glaive", allez [qui donc ?] nous convaincre qu'Uderzo émerge des clichés ! Il nage dedans, pour les femmes comme pour tout le reste » (18/03/2001, C2).

— Quel charabia ! Nous sommes dans la mer des clichés. Du moins si l'on n'en croit ni André Pelletier ni tout autre que nous-mêmes (allons donc ! allez donc nous convaincre du contraire !). Uderzo n'en sort pas, alors qu'il nage dedans. Et la mer est vaste, comprenant aussi bien les clichés sur les femmes que tous les autres. Cela dit, c'est la traduction assez plate que je vous propose. Relisez plutôt l'extrait original : personne ne saurait nous convaincre qu'Uderzo émerge des clichés, car il nage dedans, pour les hommes, les femmes et les enfants, comme pour tout le reste. Probablement qu'Odile Tremblay ne connaît pas le sens du mot émerger, ni celui de nager d'ailleurs, ni l'emploi correct de la petite préposition pour, car si vous pensez qu'il nage pour les femmes, c'est que vous n'avez pas l'instinct féministe de deviner qu'il préférerait se noyer plutôt que de nager, même à contre-courant.

43. « Il y a sans doute une clientèle qui colle aux comédies de Gérard Jugnot, le réalisateur d'Une histoire formidable, encore qu'elle soit certainement plus importante en France qu'ici. Bien des rires sont très collés aux ridicules hexagonaux » (18/03/2001, C5).

— Oui, je sais, vous allez penser comme moi que le mot « rire » est mis pour « ce qui fait rire » : situations, traits d'esprit, etc. N'empêche qu'elle en colle épais.

44. « Meilleur espoir féminin reste un film de Jugnot qui met en vedette Jugnot et noie un peu tout le reste, sans multiplier les sources de rire » (18/03/2001, C5).

— Le sujet de noyer, c'est bien le film, n'est-ce pas ? Donc le film ne multiplie pas les sources de rire. Vous comprenez ? Non, mais vous devinez : Jugnot devrait écrire et réaliser des films le mettant en vedette, mais en multipliant les sources de rire. Je connais une solution très simple dont on devrait faire part au réalisateur. Elle est propre à décoiffer son prochain rôle en coiffeur : demander à Odile Tremblay de rédiger ses dialogues. Bérénice Béjo, en seconde source de rire, en deviendra hilarante.

45. « Comme si, après quelques échecs ou semi-réussites commerciales, le purgatoire que s'offraient certains réalisateurs accrochés depuis trop longtemps aux ligues majeures, en les rapprochant de leurs racines, devenaient par la bande une cure de jouvence » (18/03/2001, C6).

— Supposons qu'on enlève le syntagme « par la bande » à cette belle phrase, est-ce que le sens en est changé ? Bien sûr que non. Mais alors qu'est-ce qu'il peut donc signifier ? Encore une expression dont notre chroniqueuse n'a pas l'air de connaître le sens.

46. « N'empêche que le film, parce qu'il joue justement dans des ornières parallèles, nous parvient un peu ici en catimini, présenté au Cinéma du Parc seulement avec des sous-titres anglais » (18/03/2001, C6).

— La comprenez-vous ? Le cinéma en question appartient aujourd'hui aux anciens propriétaires du Parallèle. Un film qui joue dans des ornières parallèles, avouez que c'est surréaliste. Du grand style ? Vous n'en demandez pas beaucoup. Si peu, que ce n'est pas là du français.

47. « Le Festival international du film de Cannes, qui présente le meilleur cru planétaire cinématographique de l'année, roulera du 9 au 20 mai prochain » (21/03/2001, B8).

— Cette fois, c'est facile à comprendre. « Rouler » est mis tout simplement pour « se dérouler ». Il est toutefois curieux qu'une journaliste du Devoir nous annonce familièrement que le célèbre festival du cinéma roulera du 9 au 20. En ce qui concerne le cru, en revanche, il s'agit d'un tic de la journaliste. Cela dit, il faut avouer que ce « cru planétaire cinématographique », « le meilleur de l'année », a quelque chose de délirant. Cette incongruité surréaliste pourrait représenter un sommet du style d'Odile précisément à cause de la signification anodine d'une formulation alambiquée. Exercice : demander à une classe de collégiens de faire des variations sur la phrase on ne peut plus simple suivante, du Petit Robert des noms propres, et il ne fait aucun doute que la palme d'or de l'insolite restera à la rhétorique du style d'Odile : « Cannes est une station balnéaire et hivernale mondialement connue, où se déroule chaque année un festival du cinéma ».

48. « Mardi soir, je me suis surprise, comme bien d'autres têtes de pipe du parterre, à chercher le fantôme poilu et enfumé de l'Outremont sous les fresques de Briffa, quand il était peut-être tout simplement en chacun de nous » (24/03/2001, C2).

— Elle n'a pas l'air de savoir que les têtes de pipe se comptent. Bien sûr que l'expression désigne des personnes, des individus. Mais pas dans n'importe quel contexte. C'est assez évident, comme on peut le voir dans plusieurs romans traduisant l'anglais des États-Unis en titi parisien. Mais Odile Tremblay est du genre à écrire qu'une tête de pipe l'a invitée au restaurant. Même qu'elle était affligée d'une calvitie prononcée. Elle n'allait pas casser sa pipe, tout de même. Eh oui! en plein souper, la tête de pipe s'effondra, la cassant, se cassant.

49. « Se cogner durant dix ans à la foutue palissade autour du vieux temple culturel donnait mal aux pieds » (24/03/2001, C2).

— J'achète une paire de souliers neufs au premier qui m'explique le sens de cette phrase dans son contexte. Odile Tremblay veut-elle dire que, vivant à Outremont (?), elle devait souvent contourner la palissade entourant le théâtre en réfection durant tout ce temps, et qu'elle en avait mal aux pieds de tant marcher ? Qu'elle écrive comme un pied et nous donne mal aux dents, c'est évident, mais donner sur de telles phrases donne mal à la tête, tout simplement.

50. « L'Outremont bondit-il vers des lendemains qui chantent pour autant ? » (24/03/2001, C2).

— L'Outremont en question, ce n'est ni un champion du saut en hauteur, ni un cheval, ni un chien. C'est un théâtre. Et je crois que c'est bondir « pour autant », qu'il faut lire, et non pas chanter « pour autant », mais je ne suis pas certain. Avec ces théâtres complètement sautés, on ne sait plus trop qui chante, même si c'est le plus souvent les lendemains de la veille.

51. « Et si Montréal et sa banlieue immédiate croulaient désormais sous trop de scènes ? » (24/03/2001, C2).

— Parfait. Pas de faute de rédaction. Sauf que « crouler » ne me paraît pas tout à fait approprié dans le contexte. Crouler, s'écrouler : ne faudrait-il pas y mettre le poids ? Alors, que dire de « panne » ou « consacré » dans les phrases suivantes ? Finalement, « Montréal et sa banlieue croulent sous trop de scènes », ce n'est pas si pire.

52. « Problème crucial du théâtre Outremont : la panne de stationnement » (24/03/2001, C2).

53. « Rêve de baby-boumers que celui de la pleine renaissance de cette salle-là, quand le profil du monde du spectacle a autant changé et celui de son public consacré aussi ? » (24/03/2001, C2).

54. « ... on ne connaîtra jamais la vraie nature des protagonistes et toutes les portes d'interprétation demeurent ouvertes » (24/03/2001, C4).

55. « Les plans sont souvent trop courts pour donner plein éventail aux interprètes » (24/03/2001, C4).

56. « De fait, Memento demeure un film très froid, présenté avec des volets prismatiques [= opposant des scènes en couleur à d'autres en noir et blanc ?] mais sans envol particulier [= le film manque d'inspiration ?], sorte d'exercice de style contemporain [contemporain de quoi ? moderne, expérimental ?] calqué sur d'autres, déstructuré pour les besoins de la cause [= artificiellement ?] mais également pour s'inscrire dans l'air du temps [alors le « style contemporain » signifiait donc moderne, au sens le plus plat] » (24/03/2001, C4).

— Bien entendu, cette phrase est illisible, mais pourquoi Odile Tremblay l'a-t-elle écrite ? C'est évident qu'elle n'avait rien à dire avec cette phrase, mais d'un autre côté n'est pas Lamartine qui veut. Parler pour ne rien dire, écrire n'importe quoi, ce sont là deux activités qu'on ne saurait réaliser sans talent.

57. « Bob Dylan chanta [oui, tout l'article est écrit au prétérit, ce qui est incroyable, s'agissant du compte rendu d'un spectacle de télévision de la veille, la remise des Oscars], mais via satellite d'Australie [ajoutez la virgule: le satellite n'est pas australien]. Ça enlève du sel. On était [= nous fûmes ?] quand même ravis [sic] qu'il remporte [= remportât ?] le prix de la meilleure chanson... » (26/03/2001, A8).

— Bref, la communication satellite dessale. Elle brouille aussi la concordance des temps.

58. « La soirée aurait pu être l'occasion pour une industrie d'acteurs et de scénaristes au bord de la grève générale (et affolés) [?] de revendiquer pour leur cause, mais les grincements furent balayés sous le tapis, comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes » (26/03/2001, A8).

— Surréaliste ? Balayer des grincements sous le tapis. Faut-il imaginer la journaliste planant sur ton tapis de Turquie ?

59. La phrase segmentée.

— Les incorrections de rédaction peuvent aussi être des fautes de goût syntaxique. Je ne pense pas qu'on puisse, dans un texte écrit, lancer à tout moment, sans raison, des phrases segmentées. Notre narratrice, Odile Tremblay, critique cinématographique du Devoir, n'est pas un personnage d'Albert Simonin et nous ne lisons pas son dernier paru, Pas de grisbi pour Odile ! Cela dit, je n'en ai jamais et n'en relèverai pas d'autres exemples que ceux-ci, car il s'agit d'une marque de style, si je comprends bien, chez elle. Mais ces deux exemples sont pris d'un éditorial culturel : « Content qu'il était, le créateur de Joe » (1/04/2001, C2). « Encore chanceux, les locataires » (1/04/2001, C2).

60. « Jean-Pierrre Perreault pourra faire rouler la boîte, louer ou prêter des salles, inviter des troupes étrangères » (1/04/2001, C2).

— Je sais, il n'y a aucune faute. Comme d'habitude. Mais pour n'importe quel francophone, le sens métaphorique de « rouler » OU de « boîte » peut s'employer très librement, sans choquer le sens commun. Sauf que, bien entendu, faire « rouler une boîte », c'est tourner les coins un peu rond. Un peu carré comme expression.

61. La danse moderne : « Ses créateurs, qui ne se cognent d'ailleurs pas à la barrière de la langue, font exploser leur talent sur la boule » (1/04/2001, C2).

— Je suis mort de rire. Pas vous ? Ah bon.

62. « La troupe de Marie Chouinard rêve d'investir ses propres pénates bien à elle, tout comme La La La Human Steps » (1/04/2001, C2).

— En sept mots, combien de fautes ? Les pénates des autres ?, investir ?, ses propres à elle ?, pénates ?

63. « La caméra se pose sur cette société d'abondance qui jette ses choux gras sans même prévenir les gens que des centaines de kilos de patates à la taille non réglementaire seront déversés [?], se fixe sur les grands marchés d'alimentation non moins gaspilleurs » (1/04/2001, C4).

64. « La poésie d'une toile superposée aux gestes d'aujourd'hui relie le glanage à la longue tradition historique, au point où des textes de loi, comme en témoignent deux avocats, en ont fixé les règles » (1/04/2001, C4).

— Une « tradition historique »... Une « longue tradition historique »... Bon d'accord, les traditions peuvent être plus ou moins longues. Mais sans histoire, c'est plus rare. Allons, allons ! improvisons, improvisons une tradition.

65. « Chemin de traverse emprunté par le cinéma québécois ces temps-ci ou simple maladresse de coups d'envoi, que ces films d'atmosphère sans vraie épine dorsale narrative ? » (1/04/2001, C5).

— Il me semble que désigner un premier film comme un « coup d'envoi » est pour le moins une maladresse. Simple maladresse.

66. « Chose certaine, le cinéma explorant les errances émotives montre parfois surtout sa panne d'inspiration » (1/04/2001, C5).

— « Parfois surtout » ? Heureusement pas toujours, mais quoi d'autre ? On devrait dire cela de Jean-Luc Cinéma Godard, dans Pierrot le fou : «  j'sais pas quoi faire, qu'est-ce que j'peux faire ? j'sais pas... ». Là, il montrait sûrement sa panne d'inspiration. C'est à ce moment que les producteurs auraient dû citer notre critique cinématographique : n'arrête pas ton char, tu vas montrer ta panne. Trop tard. Boum! Le film est fini et montre sa panne d'inspiration. Peut-on être en panne de n'importe quoi ? Montrer sa panne d'inspiration, ce n'est pas si original que cela. Quel cinéma cessera de nous montrer parfois surtout sa panne de son (facile), de financement (fréquent), d'imagination, d'ocularisation, d'ironie, de dénazification, de béguin (rare) et, presque toujours, de babiroussa.

— D'accord. Je manque d'imagination. Voici mieux.

67. « Disons qu'il ne renouvellera guère nos modèles masculins en panne » (1/04/2001, C5).

68. « Michel est le point d'ancrage d'identification, mais les personnages secondaires ont peu de substances à se mettre sous la dent » (1/04/2001, C5).

69. « Ce n'est pas que Patrick Labbé soit à côté de ses pompes » (1/04/2001, C5).

70. « Quand à Marcel Sabourin, il incarne ici l'éternel faire-valoir du héros, bon vivant qui ne rêve pas trop hors de sa cour tandis que son copain veut s'en sortir, mais son rôle est si mal développé... » (1/04/2001, C5).

71. « Sandra MacDonald, en poste depuis février 1995, s'était retrouvée sous son règne dans l'obligation de gérer compression sur compression » (3/04/2001, B8).

72. « Il y aurait bien eu des entrevues en février sans qu'aucun candidat n'ait encore émergé du panier » (3/04/2001, B8).

— Vous pouvez bien soustraire purement et simplement « sous son règne » ou « du panier », mais vous perdrez tout le comique de ces formulations. Imaginez plutôt d'autres compléments : c'est bien plus concluant. En voilà une qui se retrouve sous le règne de son successeur (science-fiction), sous le règne de Louis XIV (film historique), victime d'un Indien (western), dans les bras de X (XXX). Tandis que l'autre, le candidat, émerge de n'importe où — sauf d'un milieu liquide, comme d'un bol à soupe, par exemple, car on perdrait alors une partie de l'image surréaliste. Du solide donc. Sac à main, portefeuille, sac à dos, cave, grenier, habitacle, auberge, gisement, Canada, troupe, faune, cirque, secret, ruche, sombre forêt des tractations de coulisse, compétition, ombre ? De la montagne. « Il y aurait bien eu des entrevues en février sans qu'aucun candidat n'ait encore émergé [de la montagne comme de nombreux alpinistes rivalisent pour se retrouver, dans le palmarès, sur le dessus] du panier ».

73. « ... et vogue le navire... » (7/04/2001, C2).

74. « Ça, c'est la courageuse méthode de Robert Lepage, qui à mis au ban de sa conférence de presse (avant d'annuler cette dernière, faute d'être obéi) trois journalistes... » (7/03/2001, C2).

— « Faute d'être obéi » n'est pas une proposition trop peu originale non plus. Mais on n'y pense pas, tout occupé à trouver la première correspondant à la dernière.

75. « En 1999, Luc Plamondon avait tassé du pied certains journalistes culturels du Devoir qui, du coup [de pied ?], n'arrivaient pas à obtenir de billets pour la première médiatique de Notre-Dame de Paris » (7/04/2001, C2).

76. « Dans ce futur pas si utopique que ça — encore un petit effort, on y est presque —, tous les écrivaillons s'exécuteront, l'échine courbée et la mine dans le nez » (7/04/2001, C2).

— La mine de leurs crayons ? Je ne comprends pas. Ils auront mauvaises mines, mais cela ne va pas leur entrer dans le nez. La mine sur la langue, peut-être ?

77. « Plutôt que de lui laisser le leadership dans la doublure, reste à la France à s'américaniser elle-même » (7/04/2001, C5).

— C'est qui, lui ? Je crois que c'est Hollywood, le sujet de la phrase précédente. Il faudrait alors comprendre : plutôt que de perdre le leadership dans l'industrie du doublage de ses films, reste à la France à s'américaniser elle-même (en produisant aux États-Unis ses propres adaptations). Voici du moins le contexte, où je ne pense pas que la phrase se comprenne mieux : « Just Visiting constitue un phénomène dans le cinéma français. Hollywood, qui crache sur les oeuvres en langues étrangères, produit force remakes des films français. Plutôt que de lui laisser le leadership dans la doublure, reste à la France à s'américaniser elle-même. La colonisation par les colonisés. Suffisait d'y penser ».

78. « Sur fond de casinos enfumés et d'un jeune aristocrate épris fatalement d'une chanteuse, Schmid épure son thème jusqu'à lui enlever toute réalité triviale, mais le collant au mythe » (7/04/2001, C5).

— Quel fond ! Quel double fond, particulièrement le second ! Il n'y a que Daniel Schmid pour réussir de tels effets, avec un fond d'aristocrate épris, etc. Quel style... « Le passé est ici un vieux disque usé qui rejoue sans cesse et se heurte à un présent qui dérange, à travers le filtre poético-tragique du regard unique de Daniel Schmid » (7/04/2001, C5). Il n'y a que Schmid pour inspirer une telle phrase.

79. « D'autres distributeurs demeurent carrément dubitatif » (18/04/2001, B10).

— On peut aussi s'amuser des perles stylistiques comme celle-ci, même si je renonce généralement à les noter. Il y en a trop.

80. Le Village des vierges : « Il montre aussi par l'absurde l'horreur de la situation qui sévit en Afrique du Sud, pour laquelle il n'est d'ailleurs pas de situation évidente. Mieux vaut sans doute demeurer vierge plutôt que de succomber au sida dans un pays où le préservatif répugne à tous » (18/04/2001, B10).

— Le contexte ne permet pas de comprendre le sens de la proposition. Le mot « situation » n'a aucun sens. Peut-être faut-il comprendre « solution ». Autrement, s'il s'agit de choisir entre la virginité et le sida, on se demande ce qui pourrait être « évident » dans ces « situations ».

81. « Le bon côté de ces événements-là, c'est quand même de pouvoir attraper au vol les réflexions d'une femme qui fait des livres en enlevant des mots plutôt qu'en les empilant » (15/04/2001, C2).

— Je suis assez fier de ma perspicacité, car il est peu probable que le lecteur de l'article comprenne cette phrase que j'interprète ainsi : Annie Ernaux a l'art d'écrire sobrement, de manière elliptique; à croire qu'elle soustraie des mots, plutôt que d'en rajouter.

82. « Le beau Thierry Lhermitte en a marre. Marre de faire la promotion des films, marre d'être producteur, marre de tout ce qui entoure le métier d'acteur comique à succès qui s'est aussi engagé dans la machine » (24/04/2001, A1).

— Le titre annonce, il est vrai, la « machine cinéma ». Sauf que le titre vient de l'article, de cette phrase, de son dernier mot, incongru.

83. Toujours à propos de Lhermitte : « Pénétrer au coeur de la bête de cirque le fait râler encore plus » (24/04/2001, A8).

— Pénétrer ? Elle inverse les rôles, avec le « beau Thierry Lhermitte », j'en suis persuadé. Pénétrer au coeur d'une bête ? Une bête de cirque, en plus ?

84. Monsieur Thierry Lhermitte a-t-il vraiment dit : « Le succès c'est très agréable, mais ça ne me fait pas sauter de joie au plafond, confesse-t-il » (24/04/2001, A8).

— Mon cher Thierry, tu peux bien sauter de joie ou sauter au plafond, mais je t'en prie, n'exagère pas, et ne fais pas les deux en même temps. On n'est pas au cinéma et d'ailleurs on n'a pas le cascadeur pour cela. Il n'y a qu'Odile Tremblay pour rapporter des choses aussi surprenantes.

85. « ... lourde comme une grille de prison. Une grille qu'il ne brûle que d'ouvrir en criant : De l'air ! » (24/04/2001, A8).

86. « Rappelons qu'AMC, une entreprise américaine [étatsunienne], a connu des difficultés financières récentes [récemment] et a dû fermer 586 cinémas aux États-Unis. Jack Gardner incombe ces déroutes non à l'afflux intempestif [sic] de mégaplexes en Amérique du Nord mais aux vieux [la vieillesse, la vétusté] cinémas qu'AMC, à l'instar de plusieurs chaînes rivales, avait sur les bras ». (27/04/2001, B10).

— Incomber n'est pas un verbe transitif direct. Et par ailleurs, les déroutes ne peuvent pas non plus incomber à quelque « afflux » que ce soit, car on imagine mal un « afflux de mégaplexes » ayant des charges et devoirs. — On peut s'amuser du dernier syntagme, même si l'on ne peut le compter au nombre des perles : les bras de la chaîne ! Il s'agit plutôt d'un emploi fautif de l'expression, car il est bien peu probable qu'une chaîne de cinémas comme AMC se sente quelque responsabilité que ce soit envers ses « vieux cinémas ». Elle ne les avait donc pas sur les bras : elle les possédait et devait les gérer à perte, elle en a finalement fermé 586. Mais c'est exactement ce que dit la journaliste ! Oui, mais elle l'écrit en style d'Odile.

87. « Les cinémas ouvrent vendredi prochain, mais il faudra attendre l'automne pour que soit sur pied l'écran géant » (27/04/2001, B10).

— Peut-on enseigner le génie de la langue ? En général, on naît avec, entre l'âge de trois et cinq ans. Mais bien entendu, il faut aussi tenter d'aider ceux qui ne l'ont pas naturellement. C'est difficile. Ici, par exemple, il faut faire comprendre qu'on peut mettre sur pied un projet ou un projecteur. L'un est une abstraction et l'autre a des pattes. Il suit qu'un objet concret ne peut jamais être mis sur pied s'il n'a pas de pattes. Donc, un écran ne se met jamais sur pied.

88. « Le réalisateur est à la fois ravi de l'aubaine et mal à l'aise de respirer des bulles hors de son élément » (11/05/2001, A10).

89. « Rare retour, coup de tonnerre et coup de coeur, sa version remaniée et allongée de 53 minutes à partir des rushs initiaux jeta ici tout les festivaliers par terre » (12/05/2001, A1/A12).

— Il s'agit de la nouvelle version d'Apocalypse now, les festivaliers « jetés par terre » sont ceux de Cannes et la phrase au passé simple se trouve dans le Devoir.

90. « Allez comprendre un film de Godard avec la raison. On le saisit à travers un jeu plus subtil d'interférences, mais il demeure ésotérique, bien entendu » (16/05/2001, A8).

— Avec quoi alors ? Surtout s'il s'agit d'exprimer le contraire, à savoir qu'un Godard ne se comprend pas. Pour ce qui est de le « saisir », on voudrait comprendre (avec la raison, si possible) de quoi le jeu d'interférences est plus subtil ? Plus subtil que la raison, bien entendu. Alors, qu'est-ce qui saisit ? Quel organe ? C'est pas clair.

91. « À preuve, bien des festivaliers sont sortis de son Mulholland Drive [David Lynch] en se grattant la tête de perplexité » (17/05/2001, A1).

— Et ce n'est pas tout : « la rumeur prenait la forme d'un millier de points d'interrogation répercutés dans le palais des Festivals puis à travers les rues animées ». Manifestement, l'as des reporters de Cannes a des visions.

92. « Connues comme Barabas dans la Passion qu'elles sont ici, les panthères » (18/05/2001, B10).

— D'accord, je triche, et consigne encore une phrase segmentée, car belle comme une apparition de l'ange à la Vierge dans le premier des quatre Évangiles qu'elle est là, cette structure syntaxique.

93. « C'est rempli de gags et de bonnes idées (en plus de clins d'oeil à l'oeuvre antérieure d'Imamura), mais des longueurs déparent, hélas ! la sauce teriyaki » (19/05/2001, B12).

— Que les longueurs déparent un film, c'est déjà bien surprenant, mais quand on passe à la sauce, cela devient surréaliste.

94. « Tout dépendra en fait des priorités d'un jury forcé de trancher parmi la profusion » (19/05/2001, B12).

— D'un côté il y a beaucoup de films de qualités (c'est le sens de la « profusion ») et le jury est là pour distribuer les palmes (il doit donc « trancher », au sens de choisir, qui convient ici). Et voilà comment un jury se retrouve dans une si étrange position, forcé de trancher « parmi » la « profusion ». Rien de plus difficile. Il risque de passer dans le beurre.

95. « Est-il besoin de préciser que ce bruit-là [il s'agit de la rumeur publique intitulée « le grand buzz »] met une tonne [?] de pression sur les épaules du cinéaste palmé d'office par la rumeur et suscite un poids d'attente équivalent sur celles des festivaliers » (18/05/2001, A1).

— De toute ma vie de festivalier, jamais je n'ai eu aucun poids sur mes épaules, sauf mon sac à dos. Bien entendu, on comprend sur quelles frêles épaules festivalières pèse la rumeur publique. Ce qui prouve que ce n'est nullement une question de contenu ou de style, mais un simple problème de rédaction. Il faut deviner le sens de ce qui est écrit noir sur blanc, comme un sac à dos noir sur des épaules blanches. Il faut deviner ce qu'il y a dans le sac.

96. « C'est la langue la plus parlée ici, à part le français et l'anglais » (16/05/2001, B9).

— Est-ce que l'italien ne serait pas la langue la plus parlée à Cannes après le français et l'anglais, durant le festival du cinéma ? Je crois qu'il ne s'agit pas tout à fait d'une faute de grammaire et que j'ai en conséquence le droit de la consigner ici.

97. « Faut dire aussi que l'Italie possède avec le cinéma un vieux lien de prestige » (16/05/2001, B9).

— Qu'est-ce donc qu'un « lien de prestige » ? Dites ce que vous voulez, en posséder un « avec » le cinéma, ce doit être prestigieux. Il faut sûrement comprendre que l'Italie a un passé cinématographique prestigieux. Et ça, on peut le dire.

98. Les vedettes du cinéma pornographique : « Le Festival de Cannes les ignore, mais basta ! Elles font partie du décor, et la couleur locale serait moins fellinienne en leur absence » (16/05/2001, B9).

— « En leur absence », je crois que cela se dit simplement « sans elles » en français. En revanche, « basta ! » prend ici un sens que ni le français ni l'espagnol ne lui connaissent.

99. « La rumeur portait Moretti gagnant et le jury présidé par Liv Ullmann a enfourché la même vague » (22/05/2001, A1).

100. Quelques rappels !

100a. « Plus étrange fut le laurier d'interprétation masculine moissonné par Benoît Magimel » (22/05/2001, A8).

100b. « Les films français de la compétition, pourtant fort méritants cette année, se retrouvent en panne de lauriers » (22/05/2001, A8).

100c. « Michel Piccoli dans Je rentre à la maison, le merveilleux film de Manoel de Oliveira, mangeait un pain sur la tête de tous les autres acteurs de la course » (22/05/2001, A8).

— J'ai beau chercher, je ne trouve rien qui corresponde à cette expression que je ne connais pas. La formule évoque une tournure anglaise : to make something over someone's head, mais il serait surprenant qu'il s'agisse d'une expression anglaise. C'est d'ailleurs une caractéristique très évidente du style d'Odile que de ne jamais produire le moindre anglicisme. Cela fait même partie de sa toujours très strite correction grammaticale.


Une toute petite rallonge ? En 2007, on y a droit

101. La ville où se déroule Toi de François Delisle : « Tout se joue dans un espace-temps quasi métaphorique où les questions fendent l'air et retombent au sol, sans réponses » (31/08/2007).

— Des questions qui ne volent pas haut ?

102. Ben X, petit film pour adolescents qu'Odile Tremblay a été toute contente de voir couronné au FFMM 2007 (la Grande Jaune faisait partie du jury, il faut dire) : ce film est « coiffé d'un dénouement inattendu » (27/08/2007).

— La coiffe, cela se porte sur la tête et, donc, un peu en tête, au commencement; la fin, c'est la queue, le dénouement, pour ne pas parler de la finale. Bref, ce n'est vraiment pas là qu'on met son beau chapeau inattendu.

103. Anne-Marie Cadieux dans Toi, encore : « l'actrice se met à nu, debout sur ses failles » (28/08/2007).

— Équilibriste ou contorsionniste, elle n'a qu'a bien se tenir.

104. Le FFMM a bien beau couronner un petit pet cinématographique pour son grand prix des Amériques (ex aequo avec un film que je n'ai pas vu), c'est mon avis, Odile Tremblay en est vraiment ravie, je le répète. Mais elle s'inquiète : le festival de Serge Losique est « sans vrai sang neuf d'assistance » (4/09/2007).

105. En plus, « le palmarès a aligné de son côté des coups de chapeau mérités et des incongruités » (4/09/2007).

106. Sans compter que « la dénonciation politique (sic) de la tyrannie », avec DP75-Tartina City, a été « servie sur fond d'images floues et incertaines » (4/09/2007).

107. David Cronenberg : « Le cinéaste torontois sort de plus en plus souvent d'une marge qui semblait se confondre avec son style » (16/09/2007).

— Cronenberg va sûrement sortir de la marge comme d'autres doivent sortir d'une ombre qui se confond avec leur style.

108. Puisqu'on parle d'ombre, alors une petite dernière découpure. Dans ce film de Cronenberg, Naomi Watts « est plus monolithique que les autres interprètes et sa zone d'ombre, moins distincte » (16/09/2007).

      Ces huit petits exemples découpés cet automne me rappellent le bon temps où je m'amusais ferme à ce petit jeu de massacre. Il n'est sûrement pas inutile de montrer qu'on peut encore y jouer tous les jours dans le Devoir. Cela vaut bien le jeu des deux dessins « Êtes-vous observateur ? » de la Presse.


FFMM 2012 — Tentative de sabotage du style d'Odile

      Le Festival des films du monde de Montréal 2012 passera à l'histoire pour avoir été l'occasion de la première tentative de saboter le style d'Odile.

      Il faut dire que j'en vois rétrospectivement un présage dès le milieu de juillet dans un malheureux quiproquo, c'est le cas de le dire. J'avais lu distraitement un article intitulé « Fenêtre d'art engagé : la Maison du développement durable inaugure demain son espace de diffusion » (16/06/2012, B8). À ma grande stupeur, le papier était signé « Geneviève Tremblay, le Devoir ». Je sais bien que les Tremblay sont les Dupont du Québec, mais de là à trouver deux « madame Tremblay » journalistes au même journal, le Devoir, je ne pouvais pas le prévoir et, sur le coup, j'ai pensé que Mme Tremblay avait décidé de changer de prénom. Vous vous rendez compte de l'impact que ce changement aurait eu sur le présent chapitre de mes Polémiques ? Quelques temps, j'ai pensé à un terrible mauvais coup. Pensez-y un instant : « Le style de Geneviève » ! Cela ne fait plus un titre et n'aurait désormais aucun sens. Et sans son titre, mon essai de critique stylistique perd évidemment son sens et même sa raison d'être. Sans parler de la composition rythmique (1)+(1)+(0) et (1)+(1)+(0), soit le+stil+(e) do+dil+(e), il lui faut absolument l'assonance interne [sti] et [di] où le [i] se prononce comme dans « Paris », sinon la désignation perdrait tout son charme.

      Heureusement, ce n'était qu'une fumée sans feu (voyez en passant : une « fumée sans feu », pour dire que finalement il n'y avait pas d'anguille sous le caillou, ce n'est vraiment pas une réussite; ne maîtrise pas le style d'Odile qui veut). La stupéfaction est venue avec le festival, en tête du cahier « Culture/Livres » du 18-19 août 2012. Odile Tremblay y fait une présentation du FFMM avec une remarquable entrée en matière, pleine page, annonçant la venue de Volker Schlöndorff, qui présentera son dernier film, la Mer à l'aube, en plus d'y donner une « leçon de maître ». Il faut vraiment aller lire cette page pour comprendre que nous sommes devant un moment exceptionnel. Non seulement on n'y trouvera aucune perle, aucune bourde, mais on y lit même deux expressions radicalement contradictoires avec le style d'Odile. D'abord parce que le film de Schlöndorff présente des « protagonistes évoluant au milieu de zones grises » (E1d), ensuite parce qu'on y lit la note suivante : « À noter qu'outre la Mer à l'aube, plusieurs films présentés au FFMM cette année, du 23 août au 3 septembre, abordent le Seconde Guerre mondiale » (E1f). En réalité, ce que n'auront pas manqué de noter les fanatiques comme moi du style d'Odile, c'est que les « zones d'ombre » sont devenues de très correctes « zones grises » et, cette année bénie 2012, le festival ne roulera pas, mais sera tout simplement présenté du 23 août au 3 septembre, en plus bien entendu de ne pas être désigné, pour la première fois de son histoire, comme une « cuvée ».

      Il y a de quoi être vraiment surpris, très étonné, incrédule. Or, cela ne fait absolument aucun doute. Vous pouvez relire plusieurs fois, vous avez là toute une page où la journaliste ne s'exprime pas dans le style d'Odile. Et le phénomène incroyable se répète encore le 21 août, avec deux articles (pleine page, encore, 4 colonnes sur 6), sauf que toute la page est écrite au passé simple et qu'une perle, une seule et unique, s'est glissée sous la plume de la journaliste, à savoir que

149. Tony Scott « courtisa peu les indépendants et les scénarios porteurs » (21/08/2012, B8).

— À la rigueur, on courtise un scénariste, mais certainement pas son scénario, et le vocable porter et ses composés ne sont pas intransitifs: ni les scénaristes, ni les scénarios ne sont « porteurs », sauf en style d'Odile, bien entendu, où tout peut être porteur de tout, on n'est pas regardant. Exemple : Ridley Scott, lui, n'a jamais craint les scénarios porteurs (du virus d'« Alien »).

Cela dit, une perle isolée dans deux articles sur toute une page, c'est comme une hirondelle en plein hiver, cela n'annonce rien de bien bon et certainement pas le renouveau stylistique espéré. Or, c'est encore pire dans l'article suivant, jeudi, le 23 août : « FFMM : petit guide du cinéphile » (23/08/2012) : pas une seule perle à signaler. Et encore les 25/26 août : le documentaire d'Alexandre Trudeau a droit à une entrevue sans faute. Il y a quelque chose qui ne va pas. Manifestement, un correcteur est à l'oeuvre qui efface les perles et reformule les figures de style. Un sale mouton s'est introduit dans le repaire du Devoir. Le FFMM va perdre cette année l'un de ses plus beaux atouts. C'est du sabotage. Le rendez-vous annuel ne devra plus compter dorénavant que sur sa programmation...

      Et cela ne s'améliore pas le 27 août, d'autant que j'avais vu le bon film rétro de Bernard Rose avec les deux Huston, l'oncle Danny et le neveu Jack (dont O. Tremblay m'apprend milles petits détails, notamment l'inspiration qui vient d'un film inédit d'Orson Welles avec un « personnage » de John Huston, père et grand-père des deux acteurs : ciel ! en plus de changer de style, la journaliste va devenir intéressante). Fabuleux. Je parle de l'article d'O. Tremblay, « D'un Huston à l'autre » (27/08/2012), sans aucun trait du style d'Odile. On en retrouve toutefois une perle de bon augure dans l'article suivant, même page, la première perle de l'année au FFMM :

150. « La mise en scène glisse sur une caméra de mobilité » (27/08/2012, B8).

— Ouf ! D'accord, ce n'est pas encore le style d'Odile, avec trois ou quatre perles par article, mais c'en est déjà une. Tout n'est pas perdu.

      Je signale qu'on en est à près d'une semaine de l'ouverture du FFMM 2012. On compte donc à ce jour deux perles, les perles 149 et 150. Normalement, à ce moment, depuis plus de dix ans, c'est par dizaines qu'on peut les énumérer, comme en font foi les dépouillements ci-dessus. Que s'est-il donc passé cette année ? Il n'y a, à mon avis, qu'une seule explication possible : nous avons des correcteurs ou pour bien dire des saboteurs à l'oeuvre. Je ne vois pas d'autres explications. — Ne pouvant interroger la journaliste, j'en suis réduit à des hypothèses et je n'en trouve pas beaucoup. Mme O. Tremblay n'a tout de même pas pris des vacances et payé un nègre pour écrire ses papiers durant toute la première semaine du FFMM. Ou bien les correctrices du journal ont pris sur elles de revoir systématiquement ses papiers. Ensuite ? Elles sont tombées en congé de maternité ? Ou Mme O. Tremblay s'est fâchée qu'on réécrive ses textes ? En tout cas, tout redevient heureusement à la normale à partir du 29 août 2012. Le style d'Odile s'exprime avec plus de force et d'originalité que jamais. Les saboteurs ont été heureusement neutralisés. Les perles défilent et s'enfilent dès lors normalement. Les festivaliers vont pouvoir se remettre des chocs successifs qu'ils ont éprouvés chaque matin, jour après jour, en ouvrant le Devoir.

151. « "La Mer à l'aube" a le mérite d'aborder des zones d'ombres [sic] avec cette histoire (véridique) d'otages français... » (29/08/2012, B8).

— Vous le voyez bien que les « zones d'ombres » sont revenues. Cela ne s'invente pas, après la correction du 18 août des « zones d'ombres » en « zones grises ».

152. « On salue la performance d'Arcand en homme habité par sa détresse » (29/08/2012, B8).

— On aimerait le voir habité par son allégresse, mais il faut tout de même se poser la question de savoir si la détresse et l'allégresse nous habitent ou si ce ne serait pas l'inverse (l'actif et non le passif). En fait, si je ne me trompe pas, on est tout bonnement heureux ou malheureux, désespéré parfois. En tout cas, il faut saluer la performance stylistique. Attendez tout de même la fin du film :

153. « Dans l'excellente finale, vibre la grâce de ce monde flottant » (29/08/2012, B8).

154. « Elle a un beau sourire, Liv Ullmann, et dégage une humanité, une chaleur qui illuminent la pièce. Une vérité aussi » (30/08/2012, A1).

— Bref, une chandelle, une vraie chandelle... Lisez la suite et vous allez tout savoir sur l'épouse de Bergman : « Elle est retournée en Suède sur l'île de Faro, qui abrita leur passion, leur gloire et leur détresse, retrouva un ours en peluche et des pans de mémoire » (30/08/2012, A8).

155. « Les images de "Léolo", chef-d'oeuvre de Jean-Claude Lauzon (1992), nous hantent encore. Se bousculent dans les têtes cinéphiles... » des images que la journaliste énumère (30 août 2012, B7).

— Vous n'allez pas le croire, mais dans ma propre « tête cinéphile » j'ai le très exact souvenir qu'O. tremblay avait trouvé que le film de Lauzon était un pur navet. — Mais restons-en au style d'Odile, aux « têtes cinéphiles ». Après les têtes carrées, les têtes brûlées, les têtes de mule, nous voilà au cinéma !

156. « On cherche souvent son profit au FFMM. Il faut être chanceux ou farfouiller dans les projections, avant de tomber sur un bon morceau » (2/09/2012, C10).

— Le « bon morceau » en question, c'est « Anfang 80 » qui raconte les amours de vieux routiers :

157. « Le scénario multiplie les bâtons dans les roues de ces octogénaires [sic] frappés par l'amour [sic], au grand scandale de leur entourage » (2/09/2012, C10).

— Octogénaires à vélo ? Non. En style d'Odile, on écrit spontanément : « les roues des octogénaires ». Alors c'est très facile de leur mettre des bâtons dedans. Ne pensez pas faire de même dans « les roues d'Odile Tremblay », car stylistiquement (on peut bien inventer ce néologisme ici), elle ne roule pas, elle plane. Alors imaginez ! Un scénario qui couperait les ailes (du style) d'Odile. Non, finalement, les roues des octagénaires, cela n'a pas son égal.

      Pour finir en beauté, on a droit au fion annuel du mardi du travail, si je puis dire (c'est le jour qui suit le premier lundi de septembre, fête du travail, alors que se termine habituellement le FFMM). Lundi, tout le jury s'était dispersé, et...

158. ... « C'est le Québécois du lot [...] qui remit cette palme » (4/09/2012, B7).

— Il est difficile de s'exprimer plus vulgairement (et non sans comique involontaire, avec le passé simple des précieuses), mais en style d'Odile, dans le Devoir, c'est tout à fait acceptable.

159. Cela dit, c'est tout de même Karl Merkatz, l'octogénaire à roulettes, qui « repart avec le prix d'interprétation masculine, reçu avec générosité » (4/09/2012, B7).

— Fouille-moi, mais je n'ai aucune idée de ce que cela peut vouloir dire. Je ne donne jamais grand chose, car je ne suis pas très généreux, mais je reçois toujours tout « avec générosité ».

160. Le FFMM s'est clôturé avec Un bonheur n'arrive jamais seul. « Ce film s'accroche aux ressorts comiques burlesques du cinéma américain [= étatsunien], avec personnages qui trébuchent, gaffent et s'éprennent par-delà les fossés qui les séparent. Le scénario ne tient jamais la route et semble émerger d'écrans d'hier » (4/09/2012, B7).

      Et non, ce n'est pas fini. Voici la preuve que les correcteurs et saboteurs du style d'Odile auront mené leur travail de sape en vain durant presque une semaine. Les derniers mots de ce dernier article nous ramènent à la marque de commerce du style d'Odile, ses « zones d'ombre » ! Avec la phrase segmentée de style titi parisien en prime.

161. « Il est venu souvent au FFMM, le Suédois Jan Troell » [...]. Son film : « Avec ce héros politique, doublé d'un personnage antipathique dans sa vie privée, le film joue dans les zones d'ombre » (14/09/2012, B7).

— Finies les « zones grises ». Que les saboteurs aillent se rhabiller. Malgré l'évidente tentative de correction, qui aura duré près d'une semaine, c'est manifestement le style d'Odile qui triomphe.

      Et cela va pour sûr se poursuivre. Dès le 6 septembre qui voit paraître le premier papier de la journaliste sur le Festival international du film de Toronto.

162. « Le TIFF commence jeudi avec "Looper" de Rian Johnson, production fantastique d'action aux temps multiples qui devrait dérouter l'auditoire du bal d'ouverture » (6/09/2012, B10).

— On serait dérouté à moins.

163. « Il a encore grossi, ce rendez-vous de films, avec sa riche moisson dont 146 premières mondiales et les meilleurs morceaux de Berlin, Cannes et Venise » (6/09/2012, B10).

164. Deux des films lancés à Cannes « suscitent la hâte ici » (6/09/2012, B10).

165. « Dans ce festival-là, adopté par Hollywood, les festivaliers viennent tâter le pouls des productions oscarisables, lancent des buzz et des paris » (6/09/2012, B10).

— Quand un des bons morceaux suscite la hâte à Toronto, il n'est pas nécessaire de prendre le pouls de cette production pour le savoir battant : c'est alors que le style d'Odile est à son meilleur.


Festival de Cannes 2013

      En attendant le FFMM 2013 de l'automne, voici quatre perles d'un seul des nombreux articles de la journaliste venus de Cannes ce printemps, la moitié d'un article en fait, le compte rendu du dernier film de François Ozon, « Jeune et jolie ».

166. « Dans nos salles obscures, voici la vie secrète des adolescents servie en thème du jour » (17/05/2013, B2).

167. « Ce film manque de tonus, mais porte avec son élégante désinvolture une mélancolie sexuelle [?] en panne de sens » (17/05/2013, B2).

La « panne de sens » est une tournure classique en style d'Odile, mais porter « une mélancolie sexuelle », c'est plus original.

168. [Buñuel m'a devancé, dit Ozon]. « C'est forcément à "Belle de jour" qu'on pense ici. Des scènes d'hôtel s'affichent en miroir discret. Même double vie menée sans cupidité, sous de vertigineux mobiles... » (17/05/2013, B2).

Le contexte rend la phrase soulignée encore plus comique, car... on comprend ce qu'elle « voudrait » dire ! Je vous laisse évidemment le plaisir de traduire vous-même, bien entendu.

169. [Marina Vacht]. « Mais ce beau profil glacé manque de vrai mystère. N'est pas Catherine Deneuve, qui veut » (17/05/2013, B2).

Même traduite à partir du fait que Catherine Deneuve jouait un « personnage mystérieux », l'expression manquer de mystère reste fabuleuse, mais le plus mystérieux, un vrai mystère, sera toujours le sens à donner à « manquer de vrai mystère ».


Festival des films du monde de Montréal 2013

      On peut présumer qu'on n'assistera pas cette année, comme l'an passé, à une autre tentative de sabotage de notre style d'Odile. S'il faut du moins en juger par la première phrase du premier article de la journaliste sur le FFMM 2013. La voici :

169a. « Au fil des ans, le Festival des films du monde, pris en sandwich entre Toronto et Venise, vitrines de prestige et de stars, a mis de plus en plus l'accent sur la relève » (7/08/2113, B8).

Dire qu'« au fil des ans, le FFM a [...] mis de plus en plus l'accent sur la relève », c'est probablement juste, notamment à cause de sa section des Premières oeuvres. Chose certaine, la phrase est parfaitement correcte. En revanche, la participiale « pris en sandwich entre Toronto et Venise » n'est pas recevable, parce qu'il faut comprendre qu'il s'agit de festivals et non pas de villes (Montréal est bien située entre Toronto et Venise, mais du point de vue spatial, on aurait là tout un sandwich !), ce qui vient d'abord à l'esprit, étant donné la construction de la proposition. Mais le style d'Odile se manifeste de manière spectaculaire dans l'apposition à ce qu'il faut comprendre comme les festivals de Toronto et de Venise qui sont des « vitrines de prestige et de stars ». Bien sûr, la philosophie du style en question est rigoureusement respectée : sans trop de peine, on comprend à peu près ce que l'apposition doit vouloir dire, mais qu'elle exprime avec un vocabulaire et une structure du plus haut comique. Cela signifie certainement que les festivals en question sont prestigieux (ce sont des « vitrines de prestige » ?) et qu'on y rencontre beaucoup de vedettes (des « vitrines de stars » ? on y met les stars en « vitrines » ?). Ou peut-être faut-il comprendre aussi qu'il est prestigieux pour un film d'y être présenté et cela grâce aux vedettes qui y viennent ? Une seule chose est assurée, et c'est apparemment bien dommage, le FFMM n'est pas, lui, une « vitrine de prestige et de stars ».


Boycottage : le festival privé du style d'Odile

      Et non, le style d'Odile n'aura pas été victime d'une tentative de sabottage cette année. Pire, c'est la journaliste elle-même qui aura décidé de tenter de saboter le FFMM en le privant de son style : boudage, boycottage, sabottage. À notre grande surprise, la journaliste se sera révélée cette année pour ce qu'elle est peut-être, finalement, une vraie tête de linotte. Son comportement aura été scandaleux, profondément immoral. Comme nous avons trop peu de perles à nous mettre sous la dent, je prends le temps de rendre compte de l'événement : Portrait d'une journaliste du Devoir en tête de linotte. Cela dit, les quelques perles qui suivent font la preuve que le FFMM aura été cruellement privé cette année de la plume de la journaliste. Je ne serai pas seul à trouver ce boycottage stylistique criminel. Qu'on en juge : six perles seulement pour tout un festival...

170. « ... la compétition [au FFMM], au fil des ans trop inégale, ne fait plus l'objet d'une attention exhaustive » (20/08/2013, B8).

On a, évidemment, des études, des recherches ou des enquêtes exhaustives, des bibliographies ou des dépouillements exhaustifs, etc. Mais une « attention » de cet ordre, non. La preuve en est, je crois, qu'il faudrait pouvoir mettre le syntagme au pluriel, ce qui est impossible. On doit donc parler soit d'une « grande » attention, soit encore d'une « couverture » exhaustive.

171. « Au Québec, la SODEC est placée également devant un vide d'alternatives » (20/08/2013, B8).

Lorsqu'on n'a pas de choix, cela signifie qu'il n'y a pas d'alternative. Comme on le voit, cela peut donner le vertige, comme devant le « vide ».

172. « Les huiles gouvernementales n'avaient pas misé sur les bons chevaux et refinancent le FFM aussi [= ainsi] par défaut » (20/08/2013, B8).

On aura compris qu'il s'agissait de chevaux vapeurs et que les gouvernements n'avaient pas fait correctement le changement d'huile.

173. « Les Américains sont à Toronto, aussi toutes les autres cinématographies, collées derrière » (20/08/2013, B8).

Bref, si l'on comprend bien, le TIFF les a tous dans le cul ? Le style d'Odile donne parfois dans ces vulgarités qu'on est toujours aussi amusés que surpris de lire dans le Devoir. J'exagère ? Bien entendu, puisque je m'amuse de cette expression sodomique. Mais je n'ai tout de même pas inventé ce « collé derrière ». Ce sont vraiment les bonnes soeurs, les Ursulines de Québec, qui ont ainsi apris son français à Odile Tremblay ? Elles doivent parfois en rougir. Collé derrière...

174. « Le coup de barre du 37e Festival des films du monde est donné ce jeudi » (22/08/2013, B8).

La journaliste qui prêche pour un changement d'orientation ne doit pas trop savoir ce qu'elle dit.

175. « N'empêche que "Cha, cha, cha" pourrait être une production télévisuelle, orpheline d'un vrai langage cinématographique et de personnages de complexités » (24-25/08/2013, C10).

On voudrait parodier le style d'Odile avec trois expressions loufoques en une seule phrase qu'on n'y réussirait jamais mieux que la journaliste du Devoir.

176. Cela dit, nous en venons à un nouveau festival, le TIFF, qui « roule » jusqu'au 15 septembre 2013, avec beaucoup de « stars ». Un « cru » qui serait « traversé par des vagues, des thématiques » [sic] (5/09/2013, B8).

— Rendez-vous, s'il n'est pas encore impitoyablement boycotté par le Devoir au FFMM qui « roulera » du 21 août au 1er septembre 2014. On soupçonne que le « cru » manquera cruellement de « stars » sur son tapis rouge. Mais nous, ce que l'on attend, ce n'est pas ce fla-fla, mais l'éblouissant éclat stylistique, les perles éclatantes et brillantes du style d'Odile. — Oui, je sais qu'on peut en lire toute l'année sous sa plume, mais comme je l'ai déjà expliqué je réserve ma récolte à ses comptes rendus du FFMM. Mais, mais ! ne serais-ce pas là une des raisons profondes de son boycottage ? — Puisqu'il ne me lit que durant le FFMM, celui-là, je vais tarir sa source de perles et me fermer comme une huitre... Cruelle, va !


Le Devoir à Cannes, mai 2015

      Depuis deux ans, en 2013 et 2014, le Devoir a notablement contribué à la tentative de sabotage du Festival des films du monde de Montréal (FFMM) et le journal, militant ainsi pour un renouveau de l'événement, l'a non seulement dénigré, mais boycotté, ne lui accordant que quelques rares articles, souvent de l'ordre des potins négatifs en provenance de la SODEC. Et pendant ce temps-là, il consacre chaque année une exceptionnelle couverture au festival de Cannes. N'est-il pas insolite de couvrir cet événement on ne peut plus français, alors même qu'on ignore avec beaucoup d'énergie un festival qui se déroule chez nous ? Quel intérêt y a-t-il à nous présenter une « compétition » qu'on n'aura pas l'opportunité de juger avant que les films en question ne soient sur nos écrans ? C'est généralement un an plus tard, si l'on ne tient pas compte du cas caricatural où le film est déjà projeté au Québec !

      Cela me paraît bien inutile et la preuve en est facile à faire, puisqu'il suffit de poser la question pour savoir que la réponse est « rien du tout » : qu'est-ce que les articles du Devoir consacrés tous les jours au festival de Cannes cette année nous aurons appris d'important ? Je vous le disais bien. Lisez ou relisez ces articles et vous ne serez jamais capables de répondre autre chose.

      Mais, il faut bien le dire, le style d'Odile est tout à fait approprié au clinquant de Cannes (qu'on ne trouve pas, malheureusement, à Montréal). Cela se voit dans les attributs en apposition : Isabelle Hupper, « frêle icône insaisissable » (19/05/2015, A1), « muse éternelle, plus cérébrale que charnelle » (ibid.), « la rousse égérie » (19/05/2015, A8); « Devin Druid, formidable de révolte en adolescent mutique » (19/05/2015, A8) — mutique ? là, je pense que les bonnes soeurs qui ont enseigné son français à la journaliste, pour une rare fois, ne seraient pas trop contentes, car muet devrait suffire, sauf à désigner une grave maladie cérébrale; oui, d'accord, faudra voir le film pour en décider, mais on verra alors quelque chose de très rare, un « jeune garçon aux prises avec son âge » ! —. « Byrne, incandescent d'impuissance » ! (19/05/2015, A8); « Vincent Rottiers, impeccable » (22/05/2015, B2); « fabuleux Antonythasan (prix d'interprétation possible) » (22/05/2015, B2); « sublime Shu Qi » (22/05/2015, B2). Avec, il fallait s'y attendre, la contre-figure : « des inconnus magnifiques aux noms imprononçables » (22/05/2015, B2) ou « des acteurs inconnus, singulièrement peu inspirants (Karl Glusman, Aomi Muyock et Klara Kristin) ».

      En plus, je pense qu'on peut se réjouir d'avoir ces articles sous les yeux quotidiennement, puisque l'on est privé maintenant de ce plaisir lorsque se déroule le FFMM. Si l'on ne fait plus d'une pierre deux coups, savourant le style d'Odile alors qu'on participe au festival de Montréal (et qu'on peut juger de la pertinence ou non de ses articles), on est toutefois d'autant plus attentif au style qu'aucun de ces articles ne nous intéresse vraiment. Car je me demande bien qui d'autre que la journaliste peut s'imaginer un instant que les lecteurs du Devoir sont passionnés comme elle par la question de savoir qui (oui, qui, pas quel film) remportera la « palme » : avec le film du Norvégien Joachim Trier, « on imagine sans peine les regards du pays scandinave tournés vers la Côte d'Azur » (19/05/2015, A8). Dheepan : « Bientôt inscrit en lettre d'or au palmarès cannois ? » (22/05/2015, B2) — Oui ! ma chère. Comme nous attendions tous avec fébrilité cette confirmation.

      Le lecteur, lui, et c'est mon cas, a plutôt la passion des perles stylistiques. En voici des plus belles.

177. « Le Hongrois Laszlo Nemes ne joue pas dans le champ des stars, mais son cadre, un crématorium d'Auschwitz, fait boum à lui tout seul » (« Sans stars, point de salut », 13/05/2015, B8).

178. « Dans ce film d'action pure [Mad Max, fury road], sommet du genre, avec une musique formidable, en pulsation cardiaque au bord de sa propre fin du monde, le scénario, exsangue, répète ses cascades à qui mieux mieux » (15/05/2015, A1).

179. Les premiers films de George Miller : « Un monde en manque d'hydrocarbures, où l'homme était un loup pour l'homme » (15/05/2015, A1).

      La phrase est correcte, en plus d'être juste. Mais elle est parfaitement incompréhensible pour qui ne connaît pas ces films où le carburant, si je puis dire, était le manque de carburant, ce que remplace la pénurie d'eau dans le nouveau film du réalisateur. Et le lecteur ne comprendra pas mieux plus bas, avec la description du « paysage désertique » qui est « cette fois en manque d'eau », car il ne pourra faire le rapport entre une phrase illisible et le nouvel exposé, précisément parce qu'elle était incompréhensible et que nous en sommes à un autre sujet. Voilà une caractéristique très importante du style d'Odile : on lit une expression, un fragment textuel, qui vient abruptement dans l'exposé, sans le contexte qui devrait lui donner son sens. C'est l'explication que je viens d'en donner. Il s'agit là d'un trait de style inhérent à tous ceux qui écrivent pour eux-mêmes et on le trouve fréquemment et tout naturellement dans le genre du journal intime, par exemple. Mais il est interdit sous la plume d'un journaliste, puisqu'il est contradictoire avec le genre. C'est un trait du style d'Odile auquel je n'ai pas été assez attentif jusqu'ici, pour la raison toute simple qu'il n'a rien de spectaculaire. Il est pourtant du plus haut comique de tenter de se représenter le lecteur qui cherche à s'imaginer ce que peut bien être un « monde en manque d'hydrocarbures ». Je crois l'avoir trouvé : un monde qui ne va pas vite. Mais, ciel !, c'est la thématique de la « panne », chère au style d'Odile.

180. Woody Allen, en conférence de presse : « Il reste enfermé en lui-même le plus longtemps possible, dans sa coquille d'huître » (17/05/2015, A7).

      L'une des plus belles perles produites depuis quinze ans.

181. Isabelle Hupper en capitaine de navire amiral : « Ses souvenirs de Cannes sont au long cours » (19/05/2015, A1).

182. Il faut dire qu'il s'agit d'une « étoile de tapis rouge » (19/05/2015, A8).

      Après les fleurs de tapis, les étoiles.

183. Isabelle Hupper et Gabriel Byrne : « un couple bien assorti par une aura de mystère », d'autant que Byrne, « avec une douleur en lui, est à son sommet dans les rôles d'intériorité, comme ici en père et en mari désemparé » (19/05/2015, A8).

184. « Tout est en place dans Louder than Bombs pour [produire] une oeuvre supérieure, qui glisse pourtant de son cadre comme une anguille, sans se laisser capturer, faute de bruit et de fureur » (19/05/2015, A8).

      On croyait être vraiment au sommet avec un Woody Allen s'enfermant dans sa coquille d'huître (plus haut, no 180). On n'avait encore rien lu. Une « oeuvre » qui « glisse de son cadre », comme une « anguille », qui ne « se laisse pas capturer », « faute de bruit et de fureur » ! Mettez-vous au style d'Odile et essayez d'atteindre ce sommet. Bonne chance.

185. « L'actrice française dit avoir aimé jouer cette femme multiple, livrée en fragments recueillis par d'autres » (19/05/2015, A8).

      I. Hupper a vraiment dit cela ? Bien sûr que non. Elle est citée verbatim par la journaliste, qui ne se rend pas compte de la différence de style. En bon français, l'actrice a ainsi présenté son personnage : « Tour à tour maternelle, absente, dépressive, volontaire, elle est conforme au souvenir que chaque membre de sa famille conserve d'elle. Rarement dans un film a-t-on abordé à ce point les diverses tonalité d'une personne en fonction des regards posés sur elle. Mais elle-même ne sait plus se définir » (19/05/2015, A8). Quelle niaise platitude que ce style d'Isabelle.

186. Disons-le tout net : « Louder than Bombs aborde le couple en étiolement » (19/05/2015, A8).

      Je ne saurais dire pourquoi l'expression paraît si bizarre, puisqu'on parlerait sans trop de surprise d'un couple en déclin, en crise, etc. Probablement parce que le syntagme a une forme adverbiale et que, dès lors, il paraît s'appliquer à première vue au verbe, soit une manière d'aborder le sujet, « en étiolement » ! Mais la phrase désigne clairement un couple « qui s'étiole », ce qui est beaucoup trop simple pour figurer dans le style d'Odile.

187. Et pour en finir avec Louder than Bombs, « il manque au scénario une turbulence pour trouver sa pleine charge. Sa subtilité paraît en mal de coup de fureur, sa pudeur, de grands tremblements », et, attendez l'illustration de la comparative : « à l'instar du personnage de Byrne, qui évide les confrontations » (19/05/2015, A8).

      C'est tout de même une perle rare : une pudeur en manque de grands tremblements. Bref, le film n'est pas assez osé. Mais l'expression n'en est pas moins bellement pornographique.

188. Bref, « un mal qui honore presque Joachim Trier, tant il va à l'encontre des courants du jour, mais qui coupe les griffes à ce qui aurait pu être un des pur joyaux de la sélection cannoise » (19/05/2015, A8).

189. Voici deux personnes qui ont décidé de « saisir leur société par les cornes » et d'aborder « le milieu du travail en perte d'humanité » (19/05/2015, B7).

190. « L'ombre des frères Dardenne plane sur tout le film, au traitement comme au thème, avec une force scénaristique en moins » (19/05/2015, B7).

      Conclusion de ces deux dernières propositions : « la cruauté du monde du travail s'insinue pourtant entre chaque scène comme un poison transmis jusque dans nos veines ». La Loi du marché de Stéphane Brizé est vraiment un film terrible.

191. « Denis Villeneuve se grattait la tête, étonné de prime abord de voir son narco-thriller américain [=états-unien] Sicario atterrir en compétition » (20/05/2015, A1).

192. Le film « interroge les méthodes des agents avec meurtres et tortures » (20/05/2015, A1).

      Enfin un film qui se livre à des interrogatoires musclés sur les agents de la CIA et du FBI.

193. La programmation du festival de Cannes 2015 : « éclectique jusqu'à l'incohérence, s'épivardant comme une boule de billard » (20/05/2015, B8).

      Je ne connais pas l'étymologie du verbe s'épivarder qui s'emploie dans la langue familière au Québec depuis très longtemps et dans des sens très variés. Il est employé ici dans le sens courant qu'on trouve souvent dans l'expression « s'épivarder comme une queue de veau », pour dire qu'on va à gauche et à droite, n'importe où, rapidement, sans rime ni raison. On l'applique aux enfants qui jouent ou à celui qui s'empêtre dans de nombreuses actions inutiles. Tel n'est pas le cas en style d'Odile qui permet de décrire la trajectoire on ne peut plus réglée d'une boule de billard, qui ne saurait s'épivarder. Il suit que le style d'Odile est plus à l'aide avec le titi parisien qu'avec la langue parlée populaire du Québec.

194. « Donzelli se fait beaucoup reprocher une absence de point de vue tragique sur l'inceste » (20/05/2015, B8).

195. Et cet article du 20 mai de se terminer sur un « À demain, allez ! » !! (20/05/2015, B8).

196. « Avec son père Henry avant elle et son frère Peter défile une grosse partie de l'histoire du cinéma sous les deux syllabes du patronyme » (21/05/2015, B8).

      Les innocentes bourdes font partie intégrante du style d'Odile. Les deux syllabes du patronyme des Fonda, pourquoi cela ne désignerait-il pas également celui des Tremblay et des Dupont ? Les « deux syllabes du patronyme » pour « leur patronyme », c'est d'un comique irrésistible, tout simplement parce que l'expression n'a aucune justification. C'est tout simple, mais il fallait ne pas y penser, ce qui n'est pas donné à tout le monde.

197. Attention, voici Youth, « riche d'une caméra sublime », qui « fourmille d'idées pas toujours menées à terme » (!), avec un « scénario assez échevelé », mais qui « casse son ton à coups de dénouements multipliés »; voilà donc un film qu'on peut rapprocher de sa Grande Bellezza, « avec un degré de réflexion supplémentaire » (21/05/2015, B8).

198. Le film de Villeneuve, revenons-y : c'est un « bon thriller américain [= états-unien], mais collé au genre » (21/05/2015, B8).

      Un film qui ne décolle pas ? (comme le dit l'anglicisme, pour « incapable de prendre son essor »). Ce serait une figure de style, si ce n'était simplement une manière maladroite d'exprimer l'idée que le film suit de trop près le modèle état-unien de la poursuite policière, sans renouveler le genre. Bref, c'est un bon film, dans le genre du « thriller » hollywoodien, mais qui manque d'originalité.

199. Denis Villeneuve, « qui n'avait jamais mis les pieds en compétition à Cannes » (21/05/2015, B8).

      Voilà du pur style d'Odile. Comme disait maman, un petit rien tout nu habillé de bleu. En français, on le sait, l'article défini appliqué aux parties du corps équivaut à un possessif. Quand untel a mal à la tête, c'est sa tête qui lui fait mal. D'où le sens premier loufoque d'un Villeneuve qui met ses pieds en compétition. À Cannes, en plus ! Bien entendu, nous comprenons vite, intelligents lecteurs du Devoir, que l'expression est mise pour « venir », « participer », etc. Mais c'est précisément une caractéristique du style d'Odile. Villeneuve avait déjà « mis les pieds à Cannes », mais il n'avait jamais « participé à la compétition ». La perle consiste à « mettre enfin les pieds en compétition ». Bravo.

200. « De fines touches de lyrisme parsèment cet univers émouvant et sauvage, en appels du large » (22/05/2015, B2).

201. Dheepan de Jacques Audiard : le film est salué pour sa puissance, « tout en soulevant des questions sur son point de vue d'auteur » et, plus loin, « Mais ce plaidoyer en faveur de l'immigration pour tous, en se colorant d'un portrait sans nuances d'une France des banlieues privées de protection, brouille le message » (22/05/2015, B2).

      « On s'interroge sur le point de vue de son auteur » devient « on s'interroge sur son point de vue d'auteur », ce qui ne signifie pas la même chose, en plus de n'avoir aucun sens dans le contexte, puisque l'auteur en question est un réalisateur, de sorte que l'expression se comprend d'abord au sens technique, puis au sens narratif, respectivement l'ocularisation et la focalisation.

      C'est aussi un exemple de la figure que j'ai signalée plus haut, no 179. Il faudrait savoir ce qu'a lu et entendu la journaliste pour comprendre ce qu'elle veut dire ici. Même lorsqu'on verra le film, lorsqu'il sera à Montréal, cela ne devrait pas nous permettre de saisir le sens de ce qui semble bien être des opinions, rumeurs et ragots de festivaliers (soit des opinions sur les vues du réalisateur ou de son film). Certes, la dernière phrase de l'article est parfaitement claire, exprimant l'opinion de la journaliste, mais elle n'éclaire nullement les deux phrases citées ici, incompréhensibles : «  le spectateur [est] impressionné par un tour de force cinématographique, mais effrayé par la détestation aveugle que le cinéaste semble éprouver envers sa patrie ». Qu'est-ce donc qu'une « France des banlieues privées de protection » ? Qu'est-ce donc qu'un plaidoyer qui « brouille le message » !

202 Expériences extrasensorielles. « Son film s'en fait l'écho, très fin, un peu minimaliste mais troublant, avec des plans-séquences qui suivent les acteurs et révèlent des pans authentiques d'eux-mêmes » (24/05/2015, A10).

203. « Le film avait eu en séance de presse des huées, comme chaque fois qu'une histoire s'aventure en des zones métaphysiques » (24/05/2015, A10).

204. Un « beau film peuplé de mystères » (24/05/2015, A10).

205. Le réalisateur Michel Franco « a offert un beau rôle intriguant à l'acteur Tim Roth » (24/05/2015, A10).


Appendice

      J'ai mis en orbite ce chapitre de mes Polémiques le 15 octobre 2001. J'en ai aussitôt informé les journalistes du Devoir, puisque dans mon esprit c'était un « scoop ». Et la première informée a été la première intéressée, Odile Tremblay. Voici le texte de ce premier message, resté sans réponse comme les autres.


Madame Tremblay,

      Vous êtes la première à qui j'adresse copie de mon message. Je l'adresserai ensuite à vos collègues du Devoir (à quelques-uns du moins, autant que je pourrai en rejoindre en vingt minutes).

      Aussi bien qu'aucun de vos collègues, ni personne d'autre n'aient à vous en informer.

      Comme vous en avez affronté de plus coriaces que moi (je pense à Falardeau), je ne crois pas que vous soyez trop affectée par mes critiques.

      Vous en êtes en tout cas la première informée.

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[Suivait l'adresse du présent fichier.]


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